----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Quand la nuit fut venue , Véronique , appuyée sur sa mère , chemina lentement à travers le parc jusqu' au chalet . La lune brillait de tout son éclat , l' air était doux , et les deux femmes , visiblement émues , recevaient en quelque sorte des encouragements de la nature . La Sauviat s' arrêtait de moments en moments , et faisait reposer sa fille , dont les souffrances furent si poignantes , que Véronique ne put atteindre que vers minuit au sentier qui descendait des bois dans la prairie en pente , où brillait le toit argenté du chalet .
La lueur de la lune donnait à la surface des eaux calmes la couleur des perles .
Les bruits menus de la nuit , si retentissants dans le silence , formaient une harmonie suave . Véronique se posa sur le banc du chalet , au milieu du beau spectacle de cette nuit étoilée .
Le murmure de deux voix , et le bruit produit sur le sable par les pas de deux personnes encore éloignées , furent apportés par l' eau , qui , dans le silence , traduit les sons aussi fidèlement qu' elle reflète les objets dans le calme .
Véronique reconnut à sa douceur exquise l' organe du curé , le frôlement de la soutane , et le cri d' une étoffe de soie qui devait être une robe de femme .
" Entrons " , dit - elle à sa mère .
La Sauviat et Véronique s' assirent sur une crèche dans la salle basse destinée à être une étable .
" Mon enfant , disait le curé , je ne vous blâme point , vous êtes excusable , mais vous pouvez être la cause d' un malheur irréparable , car elle est l' âme de ce pays .
- Oh ! monsieur , je m' en irai dès ce soir , répondit l' étrangère ; mais je puis vous le dire , quitter encore une fois mon pays , ce sera mourir . Si j' étais restée une journée de plus dans cet horrible New York et aux États = Unis , où il n' y a ni espérance , ni foi , ni charité , je serais morte sans avoir été malade .
L' air que je respirais me faisait mal dans la poitrine , les aliments ne m' y nourrissaient plus , je mourais en paraissant pleine de vie et de santé .
Ma souffrance a cessé dès que j' ai eu le pied sur le vaisseau : j' ai cru être en France . Oh ! monsieur , j' ai vu périr de chagrin ma mère et une de mes belles = soeurs .
Enfin , mon grand = père Tascheron et ma grand = mère sont morts , morts , mon cher monsieur Bonnet , malgré les prospérités inouïes de Tascheronville . Oui , mon père a fondé un village dans l' État de l' Ohio .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
Page: 842