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Mme Graslin écrivit donc à Grossetête de lui négocier un emprunt de deux cent cinquante mille francs , garanti par ses inscriptions de rentes , qui , abandonnées pendant six ans , suffiraient , d' après le calcul de Gérard , à payer les intérêts et le capital . Cet emprunt fut conclu dans le courant du mois de mars .
Les projets de Gérard , aidé par Fresquin son conducteur furent alors entièrement terminés , ainsi que les nivellements , les sondages , les observations et les devis .
La nouvelle de cette vaste entreprise , répandue dans toute la contrée , avait stimulé la population pauvre . L' infatigable Farrabesche , Colorat , Clousier le maire de Montégnac , Roubaud , tous ceux qui s' intéressaient au pays ou à Mme Graslin choisirent des travailleurs ou signalèrent les indigents qui méritaient d' être occupés .
Gérard acheta pour son compte et pour celui de M . Grossetête un millier d' arpents de l' autre côté de la route de Montégnac .
Fresquin , le conducteur , prit aussi cinq cents arpents , et fit venir à Montégnac sa femme et ses enfants .
Dans les premiers jours du mois d' avril 1833 , M . Grossetête vint voir les terrains . achetés par Gérard , mais son voyage à Montégnac fut principalement déterminé par l' arrivée de Catherine Curieux que Mme Graslin attendait , et venue de Paris par la diligence à Limoges .
Il trouva Mme Graslin prête à partir pour l' église . M . Bonnet devait dire une messe pour appeler les bénédictions du ciel sur les travaux qui allaient s' ouvrir .
Tous les travailleurs , les femmes , les enfants y assistaient .
" Voici votre protégée , dit le vieillard en présentant à Véronique une femme d' environ trente ans , souffrante et faible .
- Vous êtes Catherine Curieux ? lui dit Mme Graslin .
- Oui , madame . "
Véronique regarda Catherine pendant un moment . Assez grande , bien faite et blanche , cette fille avait des traits d' une excessive douceur et que ne démentait pas la belle nuance grise de ses yeux . Le tour du visage , la coupe du front offraient une noblesse à la fois auguste et simple qui se rencontre parfois dans la campagne chez les très jeunes filles , espèce de fleur de beauté que les travaux des champs , les soins continus du ménage , le hâle , le manque de soins enlèvent avec une effrayante rapidité .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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