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Ainsi , nous sommes au = delà de la Loi agraire , et nous ne sommes au bout ni de la misère , ni de la discorde ! Ceux qui mettent le territoire en miettes et amoindrissent la production auront des organes pour crier que la vraie justice sociale consisterait à ne donner à chacun que l' usufruit de sa terre . Ils diront que la propriété perpétuelle est un vol ! Les saint = simoniens ont commencé .
- Le magistrat a parlé , dit Grossetête , voici ce que le banquier ajoute à ces courageuses considérations . La propriété , rendue accessible au paysan et au petit bourgeois , cause à la France un tort immense que le gouvernement ne soupçonne même pas .
On peut évaluer à trois millions de familles la masse des paysans , abstraction faite des indigents . Ces familles vivent de salaires . Le salaire se paie en argent au lieu de se payer en denrées ...
- Encore une faute immense de nos lois , s' écria Clousier en interrompant . La faculté de payer en denrées pouvait être ordonnée en 1790 ; mais , aujourd' hui , porter une pareille loi , ce serait risquer une révolution .
- Ainsi le prolétaire attire à lui l' argent du pays . Or , reprit Grossetête , le paysan n' a pas d' autre passion , d' autre désir , d' autre vouloir , d' autre point de mire que de mourir propriétaire . Ce désir , comme l' a fort bien établi M .
Clousier , est né de la Révolution ; il est le résultat de la vente des biens nationaux . Il faudrait n' avoir aucune idée de ce qui se passe au fond des campagnes , pour ne pas admettre comme un fait constant que ces trois millions de familles enterrent annuellement cinquante francs , et soustraient ainsi cent cinquante millions au mouvement de l' argent .
La science de l' économie politique a mis à l' état d' axiome qu' un écu de cinq francs , qui passe dans cent mains pendant une journée , équivaut d' une manière absolue à cinq cents francs .
Or , il est certain pour nous autres , vieux observateurs de l' état des campagnes , que le paysan choisit sa terre ; il la guette et l' attend , il ne place jamais ses capitaux .
L' acquisition par les paysans doit donc se calculer par périodes de sept années .
Les paysans laissent ainsi par sept années , inerte et sans mouvement , une somme de onze cents millions ; mais comme la petite bourgeoisie en enterre bien autant , et se conduit de même à l' égard des propriétés auxquelles le paysan ne peut pas mordre , en quarante = deux ans , la France perd les intérêts d' au moins deux milliards , c' est = à = dire environ cent millions par sept ans , ou six cents millions en quarante = deux ans .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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