----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Voilà comment , avec un corps savant répandu sur toute la France , qui compose un des rouages de l' administration , qui devrait manier le pays et l' éclairer sur les grandes questions de son ressort , il arrivera que nous discuterons encore sur les chemins de fer quand les autres pays auront fini les leurs . Or si jamais la France avait dû démontrer l' excellence de l' institution des écoles spéciales , n' était - ce pas dans cette magnifique phase de travaux publics , destinée à changer la face des États , à doubler la vie humaine en modifiant les lois de l' espace et du temps ? La Belgique , les États = Unis , l' Allemagne , l' Angleterre , qui n' ont pas d' Écoles polytechniques , auront chez elles des réseaux de chemins de fer , quand nos ingénieurs en seront encore à tracer les nôtres , quand de hideux intérêts cachés derrière des projets en arrêteront l' exécution .
On ne pose pas une pierre en France sans que dix paperassiers parisiens n' aient fait de sots et inutiles rapports .
Ainsi , quant à l' État , il ne tire aucun profit de ses écoles spéciales ; quant à l' individu , sa fortune est médiocre , sa vie est une cruelle déception .
Certes , les moyens que l' élève a déployés entre seize et vingt = six ans prouvent que , livré à sa seule destinée , il l' eût faite plus grande et plus riche que celle à laquelle le gouvernement l' a condamné .
Commerçant , savant , militaire , cet homme d' élite eût agi dans un vaste milieu , si ses précieuses facultés et son ardeur n' avaient pas été sottement et prématurément énervées .
Où donc est le progrès ? L' État et l' Homme perdent assurément au système actuel .
Une expérience d' un demi = siècle ne réclame - t - elle pas des changements dans la mise en oeuvre de l' institution ? Quel sacerdoce constitue l' obligation de trier en France , parmi toute une génération , les hommes destinés à être la partie savante de la nation ? Quelles études ne devraient pas avoir faites ces grands prêtres du sort ? Les connaissances mathématiques ne leur sont peut = être pas aussi nécessaires que les connaissances physiologiques .
Ne vous semble - t - il pas qu' il faille un peu de cette seconde vue qui est la sorcellerie des grands hommes .
Les examinateurs sont d' anciens professeurs , des hommes honorables , vieillis dans le travail , dont la mission se borne à chercher les meilleures mémoires : ils ne peuvent rien faire que ce qu' on leur demande .
Certes , leurs fonctions devraient être les plus grandes de l' État , et veulent des hommes extraordinaires .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
Page: 805