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" Tout ce que trouvent les gens de génie , dit alors Mme Graslin , est si simple que chacun croit qu' il l' aurait trouvé . " " Mais , se dit - elle à elle - même , le génie a cela de beau qu' il ressemble à tout le monde et que personne ne lui ressemble . "
" Du coup , reprit Farrabesche , je compris M . Bonnet , il n' eut pas de grandes paroles à me dire pour m' expliquer ma besogne . Madame , le fait est d' autant plus singulier que , du côté de votre plaine , car elle est entièrement à vous , il y a des déchirures assez profondes dans les montagnes , qui sont coupées par des ravins et par des gorges très creuses ; mais , madame , toutes ces fentes , ces vallées , ces ravins , ces gorges , ces rigoles enfin par où coulent les eaux , se jettent dans ma petite vallée , qui est de quelques pieds plus basse que le sol de votre plaine .
Je sais aujourd' hui la raison de ce phénomène , et la voici : de la Roche = Vive à Montégnac , il règne au bas des montagnes comme une banquette dont la hauteur varie entre vingt et trente pieds ; elle n' est rompue en aucun endroit , et se compose d' une espèce de roche que M .
Bonnet nomme schiste .
La terre , plus molle que la pierre , a cédé , s' est creusée , les eaux ont alors naturellement pris leur écoulement dans le Gabou , par les échancrures de chaque vallon .
Les arbres , les broussailles , les arbustes cachent à la vue cette disposition du sol ; mais , après avoir suivi le mouvement des eaux et la trace que laisse leur passage , il est facile de se convaincre du fait .
Le Gabou reçoit ainsi les eaux des deux versants , celles du revers des montagnes en haut desquelles est votre parc , et celles des roches qui nous font face .
D' après les idées de M .
le curé , cet état de choses cessera lorsque les conduits naturels du versant qui regarde votre plaine se boucheront par les terres , par les pierres que les eaux entraînent , et qu' ils seront plus élevés que le fond du Gabou .
Votre plaine alors sera inondée comme le sont les communaux que vous voulez aller voir ; mais il faut des centaines d' années . D' ailleurs , est - ce à désirer , madame ? Si votre sol ne buvait pas comme fait celui des communaux cette masse d' eau , Montégnac aurait aussi des eaux stagnantes qui empesteraient le pays .
- Ainsi , les places où M . le curé me montrait , il y a quelques jours , des arbres qui conservent leurs feuillages encore verts , doivent être les conduits naturels par où les eaux se rendent dans le torrent du Gabou .
LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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