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à ces mots , Farrabesche tomba sur ses genoux comme foudroyé par la réalisation d' une espérance vainement caressée ; il baisa le bas de l' amazone de Mme Graslin , il lui baisa les pieds . En voyant des larmes dans les yeux de son père , Benjamin se mit à sangloter sans savoir pourquoi .
" Relevez - vous , Farrabesche , dit Mme Graslin , vous ne savez pas combien il est naturel que je fasse pour vous ce que je vous promets de faire . N' est - ce pas vous qui avez planté ces arbres verts ? dit - elle en montrant quelques épicéas , des pins du Nord , des sapins et des mélèzes au bas de l' aride et sèche colline opposée .
- Oui , madame .
- La terre est donc meilleure là ?
- Les eaux dégradent toujours ces rochers et mettent chez vous un peu de terre meuble ; j' en ai profité , car tout le long de la vallée ce qui est en dessous du chemin vous appartient . Le chemin sert de démarcation .
- Coule - t - il donc beaucoup d' eau au fond de cette longue vallée ?
- Oh ! madame , s' écria Farrabesche , dans quelques jours , quand le temps sera devenu pluvieux , peut = être entendrez - vous du château mugir le torrent ! Mais rien n' est comparable à ce qui se passe au temps de la fonte des neiges .
Les eaux descendent des parties de forêt situées au revers de Montégnac , de ces grandes pentes adossées à la montagne sur laquelle sont vos jardins et le parc ; enfin toutes les eaux de ces collines y tombent et font un déluge .
Heureusement pour vous , les arbres retiennent les terres , l' eau glisse sur les feuilles , qui sont , en automne , comme un tapis de toile cirée ; sans cela , le terrain s' exhausserait au fond de ce vallon , mais la pente est aussi bien rapide , et je ne sais pas si des terres entraînées y resteraient .
- Où vont les eaux ? " demanda Mme Graslin devenue attentive .
Farrabesche montra la gorge étroite qui semblait fermer ce vallon au = dessous de sa maison : " Elles se répandent sur un plateau crayeux qui sépare le Limousin de la Corrèze , et y séjournent en flaques vertes pendant plusieurs mois , elles se perdent dans les pores du sol , mais lentement .
Aussi personne n' habite - t - il cette plaine insalubre où rien ne peut venir . Aucun bétail ne veut manger les joncs ni les roseaux qui viennent dans ces eaux saumâtres .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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