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M . de Grandville , à qui la grandeur d' âme et les qualités de Véronique étaient connues , se proposa ; mais , à la surprise de tout Limoges , Mme Graslin refusa le nouveau procureur général , sous ce prétexte que l' Église condamnait les secondes noces . Grossetête , homme de grand sens et d' un coup d' oeil sûr , donna le conseil à Véronique de placer en inscriptions sur le Grand Livre le reliquat de sa fortune et de celle de M .
Graslin , et il opéra lui - même immédiatement ce placement , au mois de juillet , dans celui des fonds français qui présentait les plus grands avantages , le trois pour cent alors à cinquante francs .
Francis eut donc six mille livres de rentes , et sa mère quarante mille environ . La fortune de Véronique était encore la plus belle du département . Quand tout fut réglé , Mme Graslin annonça son projet de quitter Limoges pour aller vivre à Montégnac , auprès de M .
Bonnet . Elle appela de nouveau le curé pour le consulter sur l' oeuvre qu' il avait entreprise à Montégnac et à laquelle elle voulait participer ; mais il la dissuada généreusement de cette résolution , en lui prouvant que sa place était dans le monde .
" Je suis née du peuple , et veux retourner au peuple " , répondit - elle .
Le curé , plein d' amour pour son village , s' opposa d' autant moins alors à la vocation de Mme Graslin , qu' elle s' était volontairement mise dans l' obligation de ne plus habiter Limoges , en cédant l' hôtel Graslin à Grossetête qui , pour se couvrir des sommes qui lui étaient dues , l' avait pris à toute sa valeur .
Le jour de son départ , vers la fin du mois d' août 1831 , les nombreux amis de Mme Graslin voulurent l' accompagner jusqu' au = delà de la ville . Quelques = uns allèrent jusqu' à la première poste . Véronique était dans une calèche avec sa mère .
L' abbé Dutheil , nommé depuis quelques jours à un évêché , se trouvait sur le devant de la voiture avec le vieux Grossetête . En passant sur la place d' Aine , Véronique éprouva une sensation violente , son visage se contracta de manière à laisser voir le jeu des muscles , elle serra son enfant sur elle par un mouvement convulsif que cacha la Sauviat en le lui prenant aussitôt , car la vieille mère semblait s' être attendue à l' émotion de sa fille .
Le hasard voulut que Mme Graslin vît la place où était jadis la maison de son père , elle serra vivement la main de la Sauviat , de grosses larmes roulèrent dans ses yeux , et se précipitèrent le long de ses joues .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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