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Le visage avait alors une teinte jaune semblable à celle qui colore les austères figures des abbesses célèbres par leurs macérations . Les tempes attendries s' étaient dorées . Les lèvres avaient pâli , on n' y voyait plus la rougeur de la grenade entrouverte , mais les froides teintes d' une rose de Bengale .
Dans le coin des yeux , à la naissance du nez , les douleurs avaient tracé deux places nacrées par où bien des larmes secrètes avaient cheminé . Les larmes avaient effacé les traces de la petite vérole , et usé la peau .
La curiosité s' attachait invinciblement à cette place où le réseau bleu des petits vaisseaux battait à coups précipités , et se montrait grossi par l' affluence du sang qui se portait là , comme pour nourrir les pleurs .
Le tour des yeux seul conservait des teintes brunes , devenues noires au = dessous et bistrées aux paupières horriblement ridées . Les joues étaient creuses , et leurs plis accusaient de graves pensées .
Le menton , où dans la jeunesse une chair abondante recouvrait les muscles , s' était amoindri , mais au désavantage de l' expression ; il révélait alors une implacable sévérité religieuse que Véronique exerçait seulement sur elle .
à vingt = neuf ans , Véronique , obligée de se faire arracher une immense quantité de cheveux blancs , n' avait plus qu' une chevelure rare et grêle ; ses couches avaient détruit ses cheveux , l' un de ses plus beaux ornements .
Sa maigreur effrayait . Malgré les défenses de son médecin , elle avait voulu nourrir son fils . Le médecin triomphait dans la ville en voyant se réaliser tous les changements qu' il avait pronostiqués au cas où Véronique nourrirait malgré lui .
" Voila ce que produit une seule couche chez une femme , disait - il . Aussi , adore - t - elle son enfant .
J' ai toujours remarqué que les mères aiment leurs enfants en raison du prix qu' ils leur coûtent . " Les yeux flétris de Véronique offraient néanmoins la seule chose qui fût restée jeune dans son visage : le bleu foncé de l' iris jetait un feu d' un éclat sauvage , où la vie semblait s' être réfugiée en désertant ce masque immobile et froid , mais animé par une pieuse expression dès qu' il s' agissait du prochain .
Aussi la surprise , l' effroi du curé cessèrent - ils à mesure qu' il expliquait à Mme Graslin tout le bien qu' un propriétaire pouvait opérer à Montégnac , en y résidant .
Véronique redevint belle pour un moment , éclairée par les lueurs d' un avenir inespéré .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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