----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

La pauvre fille n' osait lever les yeux , de peur de rencontrer des regards qui eussent vu tomber la tête de son frère . Après être allés chercher le curé Bonnet , qui , malgré sa faiblesse , consentit à servir de père et de tuteur à Denise en cette circonstance ils se rendirent chez l' avocat , qui demeurait rue de la Comédie .
" Bonjour , mes pauvres enfants , dit l' avocat en saluant M . Bonnet , à quoi puis - je vous être utile ? Vous voulez peut = être me charger de réclamer le corps de votre frère .
- Non , monsieur , dit Denise en pleurant à cette idée qui ne lui était pas venue , je viens pour nous acquitter envers vous , autant que l' argent peut acquitter une dette éternelle .
- Asseyez - vous donc " , dit l' avocat en remarquant alors que Denise et le curé restaient debout .
Denise se retourna pour prendre dans son corset deux billets de cinq cents francs , attachés avec une épingle à sa chemise , et s' assit en les présentant au défenseur de son frère . Le curé jetait sur l' avocat un regard étincelant qui se mouilla bientôt .
" Gardez , dit l' avocat , gardez cet argent pour vous , ma pauvre fille , les riches ne paient pas si généreusement une cause perdue .
- Monsieur , dit Denise , il m' est impossible de vous obéir .
- L' argent ne vient donc pas de vous ? demanda vivement l' avocat .
- Pardonnez - moi " , répondit - elle en regardant M . Bonnet pour savoir si Dieu ne s' offensait pas de ce mensonge .
Le curé tenait ses yeux baissés .
" Eh bien , dit l' avocat en gardant un billet de cinq cents francs et tendant l' autre au curé , je partage avec les pauvres . Maintenant , Denise , échangez ceci , qui certes est bien à moi , dit - il en lui présentant l' autre billet , contre votre cordon de velours et votre croix d' or .
Je suspendrai la croix à ma cheminée en souvenir du plus pur et du meilleur coeur de jeune fille que j' observerai sans doute dans ma vie d' avocat .
- Je vous la donnerai sans vous la vendre , s' écria Denise en ôtant sa jeannette et la lui offrant .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
Page: 740