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- Oui , monsieur , répondit modestement le prêtre après lui avoir jeté un fin regard comme pour lui demander : Est - ce encore une épreuve ? - Je souhaite à toute heure , ajouta - t - il , que chacun fasse le sien dans le royaume . "
Cette phrase d' une signification profonde fut encore étendue par une accentuation qui prouvait qu' en 1829 , ce prêtre , aussi grand par la pensée que par l' humilité de sa conduite et qui subordonnait ses pensées à celles de ses supérieurs , voyait clair dans les destinées de la Monarchie et de l' Eglise .
Quand les deux femmes désolées furent venues , le jeune abbé , très impatient de revenir à Limoges , les laissa au presbytère et alla voir si les chevaux étaient mis . Quelques instants après , il revint annoncer que tout était prêt pour le départ .
Tous quatre ils partirent aux yeux de la population entière de Montégnac , groupée sur le chemin , devant la poste . La mère et la soeur du condamné gardèrent le silence .
Les deux prêtres , voyant des écueils dans beaucoup de sujets , ne pouvaient ni paraître indifférents , ni s' égayer . En cherchant quelque terrain neutre pour la conversation , ils traversèrent la plaine , dont l' aspect influa sur la durée de leur silence mélancolique .
" Par quelles raisons avez - vous embrassé l' état ecclésiastique ? demanda tout à coup l' abbé Gabriel au curé Bonnet par une étourdie curiosité qui le prit quand la voiture déboucha sur la grand = route .
- Je n' ai point vu d' état dans la prêtrise , répondit simplement le curé . Je ne comprends pas qu' on devienne prêtre par des raisons autres que les indéfinissables puissances de la Vocation . Je sais que plusieurs hommes se sont faits les ouvriers de la vigne du Seigneur après avoir usé leur coeur au service des passions : les uns ont aimé sans espoir , les autres ont été trahis ; ceux - ci ont perdu la fleur de leur vie en ensevelissant soit une épouse chérie , soit une maîtresse adorée , ceux - là sont dégoûtés de la vie sociale à une époque où l' incertain plane sur toutes choses , même sur les sentiments , où le doute se joue des plus douces certitudes en les appelant des croyances .
Plusieurs abandonnent la politique à une époque où le pouvoir semble être une expiation quand le gouverné regarde l' obéissance comme une fatalité .
Beaucoup quittent une société sans drapeaux , où les contraires s' unissent pour détrôner le bien .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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