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à l' aspect de cette chétive maison de Dieu , si le premier sentiment était la surprise , il était suivi d' une admiration mêlée de pitié : n' exprimait - elle pas la misère du pays ? ne s' accordait - elle pas à la simplicité naïve du presbytère ? Elle était d' ailleurs propre et bien tenue . On y respirait comme un parfum de vertus champêtres , rien n' y trahissait l' abandon .
Quoique rustique et simple , elle était habitée par la Prière , elle avait une âme , on le sentait sans s' expliquer comment .
L' abbé Gabriel se glissa doucement pour ne point troubler le recueillement de deux groupes placés en haut des bancs , auprès du maître = autel , qui était séparé de la nef à l' endroit où pendait la lampe , par une balustrade assez grossière , toujours en bois de châtaignier , et garnie de la nappe destinée à la communion .
De chaque côté de la nef , une vingtaine de paysans et de paysannes , plongés dans la prière la plus fervente , ne firent aucune attention à l' étranger quand il monta le chemin étroit qui divisait les deux rangées de bancs .
Arrivé sous la lampe , endroit d' où il pouvait voir les deux petites nefs qui figuraient la croix , et dont l' une conduisait à la sacristie , l' autre au cimetière , l' abbé Gabriel aperçut du côté du cimetière une famille vêtue de noir , et agenouillée sur le carreau ; ces deux parties de l' église n' avaient pas de bancs .
Le jeune abbé se prosterna sur la marche de la balustrade qui séparait le choeur de la nef , et se mit à prier , en examinant par un regard oblique ce spectacle qui lui fut bientôt expliqué .
L' évangile était dit .
Le curé quitta sa chasuble et descendit de l' autel pour venir à la balustrade . Le jeune abbé , qui prévit ce mouvement , s' adossa au mur avant que M .
Bonnet ne pût le voir . Dix heures sonnaient .
" Mes frères , dit le curé d' une voix émue , en ce moment même , un enfant de cette paroisse va payer sa dette à la justice humaine en subissant le dernier supplice , nous offrons le saint sacrifice de la messe pour le repos de son âme .
Unissons nos prières afin d' obtenir de Dieu qu' il n' abandonne pas cet enfant dans ses derniers moments , et que son repentir lui mérite dans le ciel la grâce qui lui a été refusée ici = bas .
La perte de ce malheureux , un de ceux sur lesquels nous avions le plus compté pour donner de bons exemples , ne peut être attribuée qu' à la méconnaissance des principes religieux ... "

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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