----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

L' abbé Gabriel n' avait pas vu la galerie par laquelle le presbytère communiquait à l' église , il regagna le sentier pour y entrer par la porte principale . Cette espèce de porche en auvent regardait le village , on y parvenait par des degrés en pierres disjointes et usées qui dominaient une place ravinée par les eaux et ornée de ces gros ormes dont la plantation fut ordonnée par le protestant Sully . Cette église , une des plus pauvres églises de France où il y en a de bien pauvres , ressemblait à ces énormes granges qui ont au = dessus de leur porte un toit avancé soutenu par des piliers de bois ou de briques .
Bâtie en cailloux et en mortier , comme la maison du curé , flanquée d' un clocher carré sans flèche et couvert en grosses tuiles rondes , cette église avait pour ornements extérieurs les plus riches créations de la Sculpture , mais enrichies de lumière et d' ombres , fouillées , massées et colorées par la Nature qui s' y entend aussi bien que Michel = Ange .
Des deux côtés , le lierre embrassait les murailles de ses tiges nerveuses en dessinant à travers son feuillage autant de veines qu' il s' en trouve sur un écorché .
Ce manteau , jeté par le Temps pour couvrir les blessures qu' il avait faites , était diapré par les fleurs d' automne nées dans les crevasses , et donnait asile à des oiseaux qui chantaient .
La fenêtre en rosace , au = dessus de l' auvent du porche , était enveloppée de campanules bleues comme la première page d' un missel richement peint .
Le flanc qui communiquait avec la cure , à l' exposition du nord , était moins fleuri , la muraille s' y voyait grise et rouge par grandes places où s' étalaient des mousses ; mais l' autre flanc et le chevet entourés par le cimetière offraient des floraisons abondantes et variées .
Quelques arbres , entre autres un amandier , un des emblèmes de l' espérance , s' étaient logés dans les lézardes .
Deux pins gigantesques adossés au chevet servaient de paratonnerres .
Le cimetière , bordé d' un petit mur en ruine que ses propres décombres maintenaient à hauteur d' appui , avait pour ornement une croix en fer montée sur un socle , garnie de buis bénit à Pâques par une de ces touchantes pensées chrétiennes oubliées dans les villes .
Le curé de village est le seul prêtre qui vienne dire à ses morts au jour de la résurrection pascale : " Vous revivrez heureux ! " çà et là quelques croix pourries jalonnaient les éminences couvertes d' herbes .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
Page: 715