----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Il se trouve alors de vastes plaines incultes , des steppes sans herbe ni chevaux , mais bordés à l' horizon par les hauteurs de la Corrèze . Ces montagnes n' offrent aux yeux du voyageur ni l' élévation à pied droit des Alpes et leurs sublimes déchirures , ni les gorges chaudes et les cimes désolées de l' Apennin , ni le grandiose des Pyrénées ; leurs ondulations , dues au mouvement des eaux , accusent l' apaisement de la grande catastrophe et le calme avec lequel les masses fluides se sont retirées . Cette physionomie , commune à la plupart des mouvements de terrain en France , a peut = être contribué autant que le climat à lui mériter le nom de douce que l' Europe lui a confirmé .
Si cette plate transition entre les paysages du Limousin , ceux de la Marche et ceux de l' Auvergne , présente au penseur et au poète qui passent les images de l' infini , l' effroi de quelques âmes ; si elle pousse à la rêverie la femme qui s' ennuie en voiture ; pour l' habitant , cette nature est âpre , sauvage et sans ressources .
Le sol de ces grandes plaines grises est ingrat .
Le voisinage d' une capitale pourrait seul y renouveler le miracle qui s' est opéré dans la Brie pendant les deux derniers siècles .
Mais là , manquent ces grandes résidences qui parfois vivifient ces déserts où l' agronome voit des lacunes , où la civilisation gémit , où le touriste ne trouve ni auberge ni ce qui le charme , le pittoresque .
Les esprits élevés ne haïssent pas ces landes , ombres nécessaires dans le vaste tableau de la Nature . Récemment Cooper , ce talent si mélancolique , a magnifiquement développé la poésie de ces solitudes dans La Prairie .
Ces espaces oubliés par la génération botanique , et que couvrent d' infertiles débris minéraux , des cailloux roulés , des terres mortes , sont des défis portés à la Civilisation .
La France doit accepter la solution de ces difficultés , comme les Anglais celles offertes par l' Écosse où leur patiente , leur héroïque agriculture a changé les plus arides bruyères en fermes productives .
Laissées à leur sauvage et primitif état , ces jachères sociales engendrent le découragement , la paresse , la faiblesse par défaut de nourriture , et le crime quand les besoins parlent trop haut .
Ce peu de mots est l' histoire ancienne de Montégnac . Que faire dans une vaste friche négligée par l' Administration , abandonnée par la noblesse , maudite par l' industrie ? la guerre à la société qui méconnaît ses devoirs .
Aussi les habitants de Montégnac subsistaient - ils autrefois par le vol et par l' assassinat , comme jadis les Écossais des hautes terres .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
Page: 706