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Limoges jouit alors de son procès Fualdès , orné d' une Mme Manson inconnue . Aussi jamais ville de province ne fut - elle plus intriguée que l' était chaque soir Limoges après l' audience . On y rêvait de ce procès où tout grandissait l' accusé , dont les réponses savamment repassées , étendues , commentées , soulevaient d' amples discussions .
Quand un des jurés demanda pourquoi Tascheron avait pris un passeport pour l' Amérique , l' ouvrier répondit qu' il voulait y établir une manufacture de porcelaines .
Ainsi , sans compromettre son système de défense , il couvrait encore sa complice , en permettant à chacun d' attribuer son crime à la nécessité d' avoir des fonds pour accomplir un ambitieux projet .
Au plus fort de ces débats , il fut impossible que les amis de Véronique , pendant une soirée où elle paraissait moins souffrante , ne cherchassent pas à expliquer la discrétion du criminel .
La veille , le médecin avait ordonné une promenade à Véronique . Le matin même elle avait donc pris le bras de sa mère pour aller , en tournant la ville , jusqu' à la maison de campagne de la Sauviat , où elle s' était reposée .
Elle avait essayé de rester debout à son retour et avait attendu son mari ; Graslin ne revint qu' à huit heures de la cour d' assises , elle venait de lui servir à dîner selon son habitude , elle entendit nécessairement la discussion de ses amis .
" Si mon pauvre père vivait encore , leur dit - elle , nous en aurions su davantage , ou peut = être cet homme ne serait - il pas devenu criminel . Mais je vous vois tous préoccupés d' une idée singulière . Vous voulez que l' amour soit le principe du crime , là = dessus je suis de votre avis ; mais pourquoi croyez - vous que l' inconnue est mariée , ne peut - il pas avoir aimé une jeune fille que le père et la mère lui auraient refusée ?
- Une jeune personne eût été plus tard légitimement à lui , répondit M . de Grandville . Tascheron est un homme qui ne manque pas de patience , il aurait eu le temps de faire loyalement fortune en attendant le moment où toute fille est libre de se marier contre la volonté de ses parents .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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