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Malheureuse dans toutes ses tentatives , mal jugée , repoussée par l' orgueil bas et taquin qui distingue la société de province , où chacun est toujours armé de prétentions et d' inquiétudes , Mme Graslin rentra dans la plus profonde solitude . Elle revint avec amour dans les bras de l' Église . Son grand esprit , entouré d' une chair si faible , lui fit voir dans les commandements multipliés du catholicisme autant de pierres plantées le long des précipices de la vie , autant de tuteurs apportés par de charitables mains pour soutenir la faiblesse humaine durant le voyage ; elle suivit donc avec la plus grande rigueur les moindres pratiques religieuses .
Le parti libéral inscrivit alors Mme Graslin au nombre des dévotes de la ville , elle fut classée parmi les Ultras .
Aux différents griefs que Véronique avait innocemment amassés , l' esprit de parti joignit donc ses exaspérations périodiques : mais comme elle ne perdait rien à cet ostracisme , elle abandonna le monde , et se jeta dans la lecture , qui lui offrait des ressources infinies .
Elle médita sur les livres , elle compara les méthodes , elle augmenta démesurément la portée de son intelligence et l' étendue de son instruction , elle ouvrit ainsi la porte de son âme à la curiosité .
Durant ce temps d' études obstinées où la religion maintenait son esprit , elle obtint l' amitié de M .
Grossetête , un de ces vieillards chez lesquels la vie de province a rouillé la supériorité , mais qui , au contact d' une vive intelligence , reprennent par places quelque brillant .
Le bonhomme s' intéressa vivement à Véronique , qui le récompensa de cette onctueuse et douce chaleur de coeur particulière aux vieillards en déployant , pour lui , le premier , les trésors de son âme et les magnificences de son esprit cultivé si secrètement , et alors chargé de fleurs .
Le fragment d' une lettre écrite en ce temps à M .
Grossetête peindra la situation où se trouvait cette femme qui devait donner un jour les gages d' un caractère si ferme et si élevé .
" Les fleurs que vous m' avez envoyées pour le bal étaient charmantes , mais elles m' ont suggéré de cruelles réflexions . Ces jolies créatures , cueillies par vous et destinées à mourir sur mon sein et dans mes cheveux en ornant une fête , m' ont fait songer à celles qui naissent et meurent dans vos bois sans avoir été vues , et dont les parfums n' ont été respirés par personne .
Je me suis demandé pourquoi je dansais , pourquoi je me parais , de même que je demande à Dieu pourquoi je suis dans ce monde .
LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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