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Une assemblée assez imposante des femmes les plus distinguées de la ville attendait la noce à la cathédrale , où l' évêque , connaissant la piété des Sauviat , daignait marier Véronique . La mariée fut trouvée généralement laide . Elle entra dans son hôtel , et y marcha de surprise en surprise . Un dîner d' apparat devait précéder le bal , auquel Graslin avait invité presque tout Limoges .
Le dîner , donné à l' évêque , au préfet , au président de la Cour , au procureur général , au maire , au général , aux anciens patrons de Graslin et à leurs femmes , fut un triomphe pour la mariée qui , semblable à toutes les personnes simples et naturelles , montra des grâces inattendues .
Aucun des mariés ne savait danser , Véronique continua donc de faire les honneurs de chez elle , et se concilia l' estime , les bonnes grâces de la plupart des personnes avec lesquelles elle fit connaissance , en demandant à Grossetête , qui se prit de belle amitié pour elle , des renseignements sur chacun .
Elle ne commit ainsi aucune méprise .
Ce fut pendant cette soirée que les deux anciens banquiers annoncèrent la fortune , immense en Limousin , donnée par le vieux Sauviat à sa fille .
Dès neuf heures , le ferrailleur était allé se coucher chez lui , laissant sa femme présider au coucher de la mariée . Il fut dit dans toute la ville que Mme Graslin était laide , mais bien faite .
Le vieux Sauviat liquida ses affaires , et vendit alors sa maison à la Ville . Il acheta sur la rive gauche de la Vienne une maison de campagne située entre Limoges et le Cluzeau , à dix minutes du faubourg Saint = Martial , où il voulut finir tranquillement ses jours avec sa femme .
Les deux vieillards eurent un appartement dans l' hôtel Graslin , et dînèrent une ou deux fois par semaine avec leur fille , qui prit souvent leur maison pour but de promenade .
Ce repos faillit tuer le vieux ferrailleur . Heureusement Graslin trouva moyen d' occuper son beau = père . En 1823 , le banquier fut obligé de prendre à son compte une manufacture de porcelaine , aux propriétaires de laquelle il avait avancé de fortes sommes , et qui ne pouvaient les lui rendre qu' en lui vendant leur établissement .
Par ses relations et en y versant des capitaux , Graslin fit de cette fabrique une des premières de Limoges ; puis il la revendit avec de gros bénéfices , trois ans après .
Il donna donc la surveillance de ce grand établissement , situé précisément dans le faubourg Saint = Martial , à son beau = père qui , malgré ses soixante = douze ans , fut pour beaucoup dans la prospérité de cette affaire et s' y rajeunit .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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