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Ces soixante mille livres en assignats étaient la moitié de la fortune de Sauviat au moment où il courut le risque de périr sur l' échafaud . Brézac avait été , dans cette circonstance , le fidèle dépositaire du reste , consistant en sept cents louis d' or , somme énorme avec laquelle l' Auvergnat se remit à opérer dès qu' il eut recouvré sa liberté .
En trente ans , chacun de ces louis s' était changé en un billet de mille francs , à l' aide toutefois de la rente du Grand Livre , de la succession Champagnac , des bénéfices accumulés du commerce et des intérêts composés qui grossissaient dans la maison Brézac .
Brézac avait pour Sauviat une probe amitié , comme en ont les Auvergnats entre eux .
Aussi quand Sauviat allait voir la façade de l' hôtel Graslin , se disait - il en lui - même : " Véronique demeurera dans ce palais ! " Il savait qu' aucune fille en Limousin n' avait sept cent cinquante mille francs en mariage , et deux cent cinquante mille francs en espérance .
Graslin , son gendre d' élection , devait donc infailliblement épouser Véronique .
Véronique eut tous les soirs un bouquet qui , le lendemain , parait son petit salon et qu' elle cachait aux voisins . Elle admira ces délicieux bijoux , ces perles , ces diamants , ces bracelets , ces rubis qui plaisent à toutes les filles d' Eve ; elle se trouvait moins laide ainsi parée .
Elle vit sa mère heureuse de ce mariage , et n' eut aucun terme de comparaison ; elle ignorait d' ailleurs les devoirs , la fin du mariage ; enfin elle entendit la voix solennelle du vicaire de Saint = Étienne lui vantant Graslin comme un homme d' honneur , avec qui elle mènerait une vie honorable .
Véronique consentit donc à recevoir les soins de M .
Graslin . Quand , dans une vie recueillie et solitaire comme celle de Véronique , il se produit une seule personne qui vient tous les jours , cette personne ne saurait être indifférente : ou elle est haïe , et l' aversion justifiée par la connaissance approfondie du caractère la rend insupportable ou l' habitude de la voir blase pour ainsi dire les yeux sur les défauts corporels .
L' esprit cherche des compensations .
Cette physionomie occupe la curiosité , d' ailleurs les traits s' animent , il en sort quelques beautés fugitives . Puis on finit par découvrir l' intérieur caché sous la forme .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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