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Sa pensée y habita le monde fantastique que se construisent toutes les jeunes filles , et qu' elles enrichissent de leurs propres perfections . Elle passa de plus longues heures à sa croisée , en regardant passer les artisans , les seuls hommes auxquels , d' après la modeste condition de ses parents , il lui était permis de songer .
Habituée sans doute à l' idée d' épouser un homme du peuple , elle trouvait en elle - même des instincts qui repoussaient toute grossièreté .
Dans cette situation , elle dut se plaire à composer quelques = uns de ces romans que toutes les jeunes filles se font pour elles seules . Elle embrassa peut = être avec l' ardeur naturelle à une imagination élégante et vierge , la belle idée d' ennoblir un de ces hommes , de l' élever à la hauteur où la mettaient ses rêves , elle fit peut = être un Paul de quelque jeune homme choisi par ses regards , seulement pour attacher ses folles idées sur un être comme les vapeurs de l' atmosphère humide , saisies par la gelée , se cristallisent à une branche d' arbre , au bord du chemin .
Elle dut se lancer dans un abîme profond , car si elle eut souvent l' air de revenir de bien haut en montrant sur son front comme un reflet lumineux , plus souvent encore , elle semblait tenir à la main des fleurs cueillies au bord de quelque torrent suivi jusqu' au fond d' un précipice .
Elle demanda par les soirées chaudes le bras de son vieux père , et ne manqua plus une promenade au bord de la Vienne où elle allait s' extasiant sur les beautés du ciel et de la campagne , sur les rouges magnificences du soleil couchant , sur les pimpantes délices des matinées trempées de rosée .
Son esprit exhala dès lors un parfum de poésie naturelle .
Ses cheveux qu' elle nattait et tordait simplement sur sa tête , elle les lissa , les boucla .
Sa toilette connut quelque recherche .
La vigne qui croissait sauvage et naturellement jetée dans les bras du vieil ormeau fut transplantée , taillée , elle s' étala sur un treillis vert et coquet .
Au retour d' un voyage que fit à Paris le vieux Sauviat , alors âgé de soixante = dix ans , en décembre 1822 , le vicaire vint un soir , et après quelques phrases insignifiantes : " Pensez à marier votre fille , Sauviat ! dit le prêtre .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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