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Quand Véronique essaya de marcher , le père se pliait sur ses jambes et se mettait à quatre pas d' elle en lui tendant les bras et lui faisant des mines qui contractaient joyeusement les plis métalliques et profonds de sa figure âpre et sévère .
Cet homme de plomb , de fer et de cuivre redevint un homme de sang , d' os et de chair . Était - il le dos appuyé contre son pilier , immobile comme une statue , un cri de Véronique l' agitait ; il sautait à travers les ferrailles pour la trouver , car elle passa son enfance à jouer avec les débris de châteaux amoncelés dans les profondeurs de cette vaste boutique , sans se blesser jamais ; elle allait aussi jouer dans la rue ou chez les voisins , sans que l' oeil de sa mère la perdît de vue .
Il n' est pas inutile de dire que les Sauviat étaient éminemment religieux .
Au plus fort de la Révolution , Sauviat observait le dimanche et les fêtes .
à deux fois , il manqua de se faire couper le cou pour être allé entendre la messe d' un prêtre non assermenté . Enfin , il fut mis en prison , accusé justement d' avoir favorisé la fuite d' un évêque auquel il sauva la vie .
Heureusement le marchand forain , qui se connaissait en limes et en barreaux de fer , put s' évader ; mais il fut condamné à mort par contumace , et , par parenthèse , ne se présenta jamais pour la purger , il mourut mort .
Sa femme partageait ses pieux sentiments . L' avarice de ce ménage ne cédait qu' à la voix de la religion . Les vieux ferrailleurs rendaient exactement le pain bénit , et donnaient aux quêtes .
Si le vicaire de Saint = Étienne venait chez eux pour demander des secours , Sauviat ou sa femme allaient aussitôt chercher sans façons ni grimaces ce qu' ils croyaient être leur quote = part dans les aumônes de la paroisse .
La Vierge mutilée de leur pilier fut toujours , dès 1799 , ornée de buis à Pâques . à la saison des fleurs , les passants la voyaient fêtée par des bouquets rafraîchis dans des cornets de verre bleu , surtout depuis la naissance de Véronique .
Aux processions , les Sauviat tendaient soigneusement leur maison de draps chargés de fleurs , et contribuaient à l' ornement , à la construction du reposoir , l' orgueil de leur carrefour .
Véronique Sauviat fut donc élevée chrétiennement . Dès l' âge de sept ans , elle eut pour institutrice une Soeur = Grise auvergnate à qui les Sauviat avaient rendu quelques petits services .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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