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Le grenier servait de magasin pour les objets plus délicats que ceux jetés pêle = mêle dans la boutique . Cette maison , louée d' abord , fut plus tard achetée par un nommé Sauviat , marchand forain qui , de 1792 à 1796 , parcourut les campagnes dans un ravon de cinquante lieues autour de l' Auvergne , en y échangeant des poteries , des plats , des assiettes , des verres , enfin les choses nécessaires aux plus pauvres ménages , contre de vieux fers , des cuivres , des plombs contre tout métal sous quelque forme qu' il se déguisât .
L' Auvergnat donnait une casserole en terre brune de deux sous pour une livre de plomb , ou pour deux livres de fer , bêche cassée , houe brisée , vieille marmite fendue ; et , toujours juge en sa propre cause , il pesait lui - même sa ferraille .
Dès la troisième année , Sauviat joignit à ce commerce celui de la chaudronnerie .
En 1793 , il put acquérir un château vendu nationalement , et le dépeça ; le gain qu' il fit , il le répéta sans doute sur plusieurs points de la sphère où il opérait ; plus tard , ces premiers essais lui donnèrent l' idée de proposer une affaire en grand à l' un de ses compatriotes à Paris .
Ainsi la Bande Noire , si célèbre par ses dévastations , naquit dans la cervelle du vieux Sauviat , le marchand forain que tout Limoges a vu pendant vingt = sept ans dans cette pauvre boutique au milieu de ses cloches cassées , de ses fléaux , de ses chaînes , de ses potences , de ses gouttières en plomb tordu , de ses ferrailles de toute espèce ; on doit lui rendre la justice de dire qu' il ne connut jamais ni la célébrité , ni l' étendue de cette association ; il n' en profita que dans la proportion des capitaux qu' il avait confiés à la fameuse maison Brézac .
Fatigué de courir les foires et les villages , l' Auvergnat s' établit à Limoges , où il avait , en 1797 , épousé la fille d' un chaudronnier veuf , nommé Champagnac .
Quand mourut le beau = père , il acheta la maison où il avait établi d' une manière fixe son commerce de ferrailleur , après l' avoir encore exercé dans les campagnes pendant trois ans en compagnie de sa femme .
Sauviat atteignait à sa cinquantième année quand il épousa la fille au vieux Champagnac , laquelle , de son côté , ne devait pas avoir moins de trente ans .
Ni belle , ni jolie , la Champagnac était née en Auvergne , et le patois fut une séduction mutuelle ; puis , elle avait cette grosse encolure qui permet aux femmes de résister aux plus durs travaux ; aussi accompagna - t - elle Sauviat dans ses courses .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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