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Schmucke suivit comme un mouton Topinard , qui le conduisit dans une de ces affreuses localités qu' on pourrait appeler les cancers de Paris . La chose se nomme cité Bordin . C' est un passage étroit , bordé de maisons bâties comme on bâtit par spéculation , qui débouche rue de Bondy , dans cette partie de la rue obombrée par l' immense bâtiment du théâtre de la Porte - Saint - Martin , une des verrues de Paris . Ce passage , dont la voie est creusée en contrebas de la chaussée de la rue , s' enfonce par une pente vers la rue des Mathurins - du - Temple .
La cité finit par une rue intérieure qui la barre en figurant la forme d' un T . Ces deux ruelles , ainsi disposées , contiennent une trentaine de maisons à six et sept étages , dont les cours intérieures , dont tous les appartements contiennent des magasins , des industries , des fabriques en tout genre .
C' est le faubourg Saint - Antoine en miniature .
On y fait des meubles , on y cisèle les cuivres , on y coud des costumes pour les théâtres , on y travaille le verre , on y peint les porcelaines , on y fabrique enfin toutes les fantaisies et les variétés de l' article - Paris .
Sale et productif comme le commerce , ce passage , toujours plein d' allants et de venants , de charrettes , de haquets , est d' un aspect repoussant , et la population qui y grouille est en harmonie avec les choses et les lieux .
C' est le peuple des fabriques , peuple intelligent dans les travaux manuels , mais dont l' intelligence s' y absorbe .
Topinard demeurait dans cette cité florissante comme produit , à cause des bas prix des loyers . Il habitait la seconde maison dans l' entrée à gauche . Son appartement , situé au sixième étage , avait vue sur cette zone de jardins qui subsistent encore et qui dépendent des trois ou quatre grands hôtels de la rue de Bondy .
Le logement de Topinard consistait en une cuisine et en deux chambres . Dans la première de ces deux chambres se tenaient les enfants . On y voyait deux petits lits en bois blanc et un berceau . La seconde était la chambre des époux Topinard .
On mangeait dans la cuisine . Au - dessus régnait un faux grenier élevé de six pieds , et couvert en zinc , avec un châssis à tabatière pour fenêtre . On y parvenait par un escalier en bois blanc appelé , dans argot du bâtiment , échelle de meunier .
Cette pièce , donnée comme chambre de domestique , permettait d' annoncer le logement de Topinard , comme un appartement complet , et de le taxer à quatre cents francs de loyer .

LE COUSIN PONS (VII, paris)
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