----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Effrayé du vide de la caisse sociale , alarmé par Mme Cibot qui , depuis quinze jours , grossissait de son mieux les dépenses de la maladie , le professeur de piano sentait ses angoisses dominées par un courage dont il ne se serait jamais cru capable . Il voulait pour la première fois de sa vie gagner de l' argent , pour que l' argent ne manquât pas au logis . Quand une écolière , vraiment touchée de la situation des deux amis , demandait à Schmucke comment il pouvait laisser Pons tout seul , il répondait , avec le sublime sourire des dupes : " Matemoiselle , nus afons montam Zibod ! eine trèssor ! eine berle ! Bons ed zoicné gomme ein brince ! " Or , dès que Schmucke trottait par les rues , la Cibot était la maîtresse de l' appartement et du malade .
Comment Pons , qui n' avait rien mangé depuis quinze jours , qui gisait sans force , que la Cibot était obligée de lever elle - même et d' asseoir dans une bergère pour faire le lit , aurait - il pu surveiller ce soi - disant ange gardien ? Naturellement la Cibot était allée chez Élie Magus pendant le déjeuner de Schmucke .
Elle revint pour le moment où l' Allemand disait adieu au malade ; car , depuis la révélation de la fortune possible de Pons , la Cibot ne quittait plus son célibataire , elle le couvait ! Elle s' enfonçait , dans une bonne bergère , au pied du lit , et faisait à Pons , pour le distraire , ces commérages auxquels excellent ces sortes de femmes .
Devenue pateline , douce , attentive , inquiète , elle s' établissait dans l' esprit du bonhomme Pons avec une adresse machiavélique , comme on va le voir .
Effrayée par la prédiction du grand jeu de Mme Fontaine , la Cibot s' était promis à elle - même de réussir par des moyens doux , par une scélératesse purement morale , à se faire coucher sur le testament de son monsieur .
Ignorant pendant dix ans la valeur du musée Pons , la Cibot se voyait dix ans d' attachement , de probité , de désintéressement devant elle , et elle se proposait d' escompter cette magnifique valeur .
Depuis le jour où , par un mot plein d' or , Rémonencq avait fait éclore dans le coeur de cette femme un serpent contenu dans sa coquille pendant vingt - cinq ans , le désir d' être riche , cette créature avait nourri le serpent de tous les mauvais levains qui tapissent le fond des coeurs , et l' on va voir comment elle exécutait les conseils que lui sifflait le serpent .
" Eh bien ! a - t - il bien bu , notre chérubin ? va - t - il mieux ? dit - elle à Schmucke .
- Bas pien ! mon tchère montame Zibod ! bas pien ! répondit l' Allemand en essuyant une larme .
LE COUSIN PONS (VII, paris)
Page: 601