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Pons et Magus avaient au coeur la même jalousie . Ni l' un ni l' autre ils n' aimaient cette célébrité que recherchent ordinairement ceux qui possèdent des cabinets . Pouvoir examiner la magnifique collection du pauvre musicien , c' était , pour Élie Magus , le même bonheur que celui d' un amateur de femmes parvenant à se glisser dans le boudoir d' une belle maîtresse que lui cache un ami . Le grand respect que témoignait Rémonencq à ce bizarre personnage et le prestige qu' exerce tout pouvoir réel , même mystérieux , rendirent la portière obéissante et souple .
La Cibot perdit le ton autocratique avec lequel elle se conduisait dans sa loge avec les locataires et ses deux messieurs , elle accepta les conditions de Magus et promit de l' introduire dans le musée Pons , le jour même .
C' était amener l' ennemi dans le coeur de la place , plonger un poignard au coeur de Pons qui , depuis dix ans , interdisait à la Cibot de laisser pénétrer qui que ce fût chez lui , qui prenait toujours sur lui ses clefs , et à qui la Cibot avait obéi , tant qu' elle avait partagé les opinions de Schmucke en fait de bric - à - brac .
En effet , le bon Schmucke , en traitant ces magnificences de prinporions et déplorant la manie de Pons , avait inculqué son mépris pour ces antiquailles à la portière et garanti le musée Pons de toute invasion pendant fort longtemps .
Depuis que Pons était alité , Schmucke le remplaçait au théâtre et dans les pensionnats . Le pauvre Allemand , qui ne voyait son ami que le matin et à dîner , tâchait de suffire à tout en conservant leur commune clientèle ; mais toutes ses forces étaient absorbées par cette tâche , tant la douleur l' accablait .
En voyant ce pauvre homme si triste , les écolières et les gens du théâtre , tous instruits par lui de la maladie de Pons , lui en demandaient des nouvelles , et le chagrin du pianiste était si grand , qu' il obtenait des indifférents la même grimace de sensibilité qu' on accorde à Paris aux plus grandes catastrophes .
Le principe même de la vie du bon Allemand était attaqué tout aussi bien que chez Pons .
Schmucke souffrait à la fois de sa douleur et de la maladie de son ami . Aussi parlait - il de Pons pendant la moitié de la leçon qu' il donnait ; il interrompait si naïvement une démonstration pour se demander à lui - même comment allait son ami , que la jeune écolière l' écoutait expliquant la maladie de Pons .
Entre deux leçons , il accourait rue de Normandie pour voir Pons pendant un quart d' heure .
LE COUSIN PONS (VII, paris)
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