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La vieillesse , les spectacles continuels du drame parisien , rien n' avait endurci ces deux âmes fraîches , enfantines et pures . Plus ces deux êtres allaient , plus vives étaient leurs souffrances intimes . Hélas ! il en est ainsi chez les natures chastes , chez les penseurs tranquilles et chez les vrais poètes qui ne sont tombés dans aucun excès .
Depuis la réunion de ces deux vieillards , leurs occupations , à peu près semblables , avaient pris cette allure fraternelle qui distingue à Paris les chevaux de fiacre . Levés vers les sept heures du matin en été comme en hiver , après leur déjeuner ils allaient donner leurs leçons dans les pensionnats où ils se suppléaient au besoin .
Vers midi , Pons se rendait à son théâtre quand une répétition l' y appelait , et il donnait à la flânerie tous ses instants de liberté .
Puis les deux amis se retrouvaient le soir au théâtre où Pons avaient placé Schmucke . Voici comment .
Au moment où Pons rencontra Schmucke , il venait d' obtenir , sans l' avoir demandé , le bâton de maréchal des compositeurs inconnus , un bâton de chef d' orchestre ! Grâce au comte Popinot , alors ministre , cette place fut stipulée pour le pauvre musicien , au moment où ce héros bourgeois de la révolution de Juillet fit donner un privilège de théâtre à l' un de ces amis dont rougit un parvenu , quand , roulant en voiture , il aperçoit dans Paris un ancien camarade de jeunesse , triste - à - patte , sans sous - pieds , vêtu d' une redingote à teintes invraisemblables , et le nez à des affaires trop élevées pour des capitaux fuyards .
Ancien commis voyageur , cet ami , nommé Gaudissard , avait été jadis fort utile au succès de la grande maison Popinot .
Popinot , devenu comte , devenu pair de France après avoir été deux fois ministre , ne renia point L' ILLUSTRE GAUDISSARD ! Bien plus , il voulut mettre le voyageur en position de renouveler sa garde - robe et de remplir sa bourse ; car la politique , les vanités de la cour citoyenne n' avaient point gâté le coeur de cet ancien droguiste .
Gaudissard , toujours fou des femmes , demanda le privilège d' un théâtre alors en faillite , et le ministre , en le lui donnant , eut soin de lui envoyer quelques vieux amateurs du beau sexe , assez riches pour créer une puissante commandite amoureuse de ce que cachent les maillots .
Pons , parasite de l' hôtel Popinot , fut un appoint du privilège .
La compagnie Gaudissard , qui fit d' ailleurs fortune , eut en 1834 l' intention de réaliser au Boulevard cette grande idée : un opéra pour le peuple .

LE COUSIN PONS (VII, paris)
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