----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

C' est , entre tous les mystères de la génération , le plus inaccessible à notre ambitieuse analyse moderne . Puis , que penseriez - vous des Égyptiens qui , dit - on , inventèrent des fours pour faire éclore des poulets , s' ils n' eussent point immédiatement donné la becquée à ces mêmes poulets ? Ainsi se comporte cependant la France qui tâche de produire des artistes par la serre - chaude du Concours ; et , une fois le statuaire , le peintre , le graveur , le musicien obtenus par ce procédé mécanique , elle ne s' en inquiète pas plus que le dandy ne se soucie le soir des fleurs qu' il a mises à sa boutonnière .
Il se trouve que l' homme de talent est Greuze ou Watteau , Félicien David ou Pagnest , Géricault ou Decamps , Auber ou David d' Angers , Eugène Delacroix ou Meissonier , gens peu soucieux des grands prix et poussés en pleine terre sous les rayons de ce soleil invisible , nommé la Vocation .
Envoyé par l' État à Rome , pour devenir un grand musicien , Sylvain Pons en avait rapporté le goût des antiquités et des belles choses d' art . Il se connaissait admirablement en tous ces travaux , chefs - d' oeuvre de la main et de la Pensée , compris depuis peu dans ce mot populaire , le Bric - à - Brac .
Cet enfant d' Euterpe revint donc à Paris , vers 1810 , collectionneur féroce , chargé de tableaux , de statuettes , de cadres , de sculptures en ivoire , en bois , d' émaux , porcelaines , etc . , qui , pendant son séjour académique à Rome , avaient absorbé la plus grande partie de l' héritage paternel , autant par les frais de transport que par les prix d' acquisition .
Il avait employé de la même manière la succession de sa mère durant le voyage qu' il fit en Italie , après ces trois ans officiels passés à Rome .
Il voulut visiter à loisir Venise , Milan , Florence , Bologne , Naples , séjournant dans chaque ville en rêveur , en philosophe , avec l' insouciance de l' artiste qui , pour vivre , compte sur son talent , comme les filles de joie comptent sur leur beauté .
Pons fut heureux pendant ce splendide voyage autant que pouvait l' être un homme plein d' âme et de délicatesse , à qui sa laideur interdisait des succès auprès des femmes , selon la phrase consacrée en 1809 , et qui trouvait les choses de la vie toujours au - dessous du type idéal qu' il s' en était créé ; mais il avait pris son parti sur cette discordance entre le son de son âme et les réalités .
Ce sentiment du beau , conservé pur et vif dans son coeur , fut sans doute le principe des mélodies ingénieuses , fines , pleines de grâce qui lui valurent une réputation de 1810 à 1814 .

LE COUSIN PONS (VII, paris)
Page: 488