----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Lecamus fut obligé de s' appuyer sur l' astrologue , ses jambes refusaient de le porter ; car il pensait que son fils pouvait demain être accroché à l' une de ces potences . Le pauvre vieillard était entre deux sciences , entre l' astrologie judiciaire et la chirurgie , qui toutes deux lui promettaient le salut de son fils pour qui l' échafaud se dressait évidemment . Dans le trouble de ses idées , il se laissa manier comme une pâte par le Florentin .
" Eh bien , mon respectable marchand de menu vair , que dites - vous de ces plaisanteries lorraines ? fit Ruggieri .
- Hélas ! vous savez que je donnerais ma peau pour voir saine et sauve celle de mon fils !
- Voilà qui est parler en marchand d' hermine , reprit l' Italien ; mais expliquez - moi bien l' opération que compte faire Ambroise sur le Roi , je vous garantis la vie de votre fils ...
- Vrai ! s' écria le vieux pelletier .
- Que voulez - vous que je vous jure ? ... " fit Ruggieri .
Sur ce mouvement , le pauvre vieillard répéta son entretien avec Ambroise au Florentin qui laissa dans la rue le père au désespoir , dès que le secret du grand chirurgien lui fut divulgué .
" à qui diable en veut - il , ce mécréant ! " s' écria le vieillard en voyant Ruggieri se dirigeant au pas de course vers la place de l' Estape .
Lecamus ignorait la scène terrible qui se passait autour du lit royal , et qui avait motivé l' ordre d' élever l' échafaud du prince dont la condamnation avait été prononcée par défaut , pour ainsi dire , et dont l' exécution avait été remise à cause de la maladie du Roi .
Il ne se trouvait dans la salle , dans les escaliers et dans la cour du Bailliage , que les gens absolument de service . La foule des courtisans encombrait l' hôtel du Roi de Navarre , à qui la régence appartenait d' après les lois du royaume .
La noblesse française , effrayée d' ailleurs par l' audace des Guise , éprouvait le besoin de se serrer autour du chef de la maison cadette , en voyant la reine mère esclave des Guise et ne comprenant pas sa politique d' Italienne .
Antoine de Bourbon , fidèle à son accord secret avec Catherine , ne devait renoncer en sa faveur à la régence qu' au moment où les États prononceraient sur cette question .
Cette solitude profonde avait agi sur le grand maître , quand , au retour d' une ronde faite par prudence dans la ville , il ne trouva chez le Roi que les amis attachés à sa fortune .

CATHERINE MEDICIS (XI, philo)
Page: 322