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- Comme de mon existence . Le Roi , mon vieux protecteur , a des humeurs peccantes qui lui pèsent sur le cerveau , qui vont le lui remplir , et la crise est imminente ; mais en lui forant le crâne , je compte faire sortir ces humeurs et lui dégager la tête . J' ai déjà pratiqué trois fois cette opération , inventée par un Piémontais , et que j' ai eu l' heur de perfectionner .
La première s' est faite au siège de Metz , sur M . de Pienne , que je tirai d' affaire , et qui depuis n' en a été que plus sage : il avait un dépôt d' humeurs produit par une arquebusade au chef .
La seconde a sauvé la vie d' un pauvre sur qui j' eus le désir d' éprouver la bonté de cette audacieuse opération à laquelle s' était prêté M . de Pienne .
Enfin , la troisième a eu lieu à Paris , sur un gentilhomme qui se porte à merveille . Le trépan , tel est le nom donné à cette invention , est encore peu connu . Les malades y répugnent , à cause de l' imperfection de l' instrument , que j' ai fini par améliorer .
Je m' essaie donc sur cette tête , afin de ne pas faillir demain sur celle du Roi .
- Tu dois être bien sûr de ton fait , car ta tête serait en danger au cas où ...
- Je gagerais ma vie qu' il sera guéri , répondit Ambroise avec la sécurité de l' homme de génie . Ah ! mon vieil ami , qu' est - ce que trouer la tête avec précaution ? n' est - ce pas faire ce que les soldats font tous les jours à la guerre sans en prendre aucune ?
- Mon enfant , dit l' audacieux bourgeois , sais - tu que sauver le Roi , c' est perdre la France ? Sais - tu que cet instrument aura placé la couronne des Valois sur la tête du Lorrain qui se dit héritier de Charlemagne ? Sais - tu que la chirurgie et la politique sont brouillées en ce moment ? Oui , le triomphe de ton génie est la perte de ta religion .
Si les Guise gardent la régence , le sang des réformés va couler à flots ? Sois plus grand citoyen que grand chirurgien , et dors demain la grasse matinée en laissant la chambre libre aux médecins qui , s' ils ne guérissent pas le Roi , guériront la France !
- Moi ! s' écria Paré , que je laisse périr un homme quand je puis le sauver ! Non ! non , dussé - je être pendu comme fauteur de Calvin , j' irai de bonne heure à la cour . Ne sais - tu pas que la seule grâce que je veux demander , après avoir sauvé le Roi , est la vie de ton Christophe .
Il y aura certes un moment où la reine Marie ne me refusera rien .
CATHERINE MEDICIS (XI, philo)
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