----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Catherine sortit à pas lents de la salle voisine , se plaça devant Christophe et le contempla froidement . Elle fut alors l' objet de l' attention des deux frères , qui examinèrent alternativement Catherine et son complice . De cette épreuve solennelle dépendait pour cette femme ambitieuse tout son avenir : elle éprouvait une vive admiration pour le courage de Christophe , elle le regardait sévèrement ; elle haïssait les Guise , elle leur souriait .
" Hé bien , dit - elle , jeune homme , avouez que vous avez vu le prince de Condé , vous serez richement récompensé .
- Ah ! quel métier faites - vous , madame ? " s' écria Christophe en la plaignant .
La reine tressaillit .
" Il m' insulte ! ne le pendrez - vous pas ? " dit - elle aux deux frères qui demeuraient pensifs .
" Quelle femme ! " s' écria le grand maître dans l' embrasure de la croisée en consultant son frère par un regard .
" Je reste en France , et je me vengerai d' eux " , pensa la reine .
" Allez ! qu' il avoue ou qu' il meure ! " s' écria - t - elle en s' adressant à M . de Montrésor .
Le grand prévôt détourna les yeux , les bourreaux étaient occupés , Catherine put alors lancer au martyr un regard qui ne fut vu de personne et qui tomba sur Christophe comme une rosée . Les yeux de cette grande reine lui parurent humides , il y roulait en effet deux larmes contenues et séchées aussitôt .
Le coin fut enfoncé , l' une des planches entre lesquelles on le chassait cassa . Christophe laissa partir de sa poitrine un cri horrible , après lequel il se tut et montra un visage rayonnant : il croyait mourir .
" Qu' il meure ! s' écria le cardinal en répétant le dernier mot de la reine avec une sorte d' ironie , non , non ! Ne rompons point ce fil " , dit - il au grand prévôt .
Le duc et le cardinal se consultèrent alors à voix basse .
" Qu' en fera - t - on ? demanda le bourreau .
- Envoyez - le dans les prisons d' Orléans , dit le duc , et surtout , reprit - il en s' adressant à M . de Montrésor , ne le pendez point sans mon ordre . "

CATHERINE MEDICIS (XI, philo)
Page: 295