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Tout en causant avec ce lieutenant , il finit par l' intéresser en lui contant les pénuries du commerce . Christophe parut si véritablement marchand , que l' officier fit partager cette opinion au capitaine de la garde écossaise , qui vint de la cour questionner Christophe en l' examinant à la dérobée et avec soin .
Quelque prévenu que fût Christophe Lecamus , il ne pouvait comprendre la férocité froide des intérêts entre lesquels Chaudieu l' avait glissé . Pour un observateur qui eût connu le secret de cette scène , comme l' historien le connaît aujourd' hui , il y aurait eu de quoi trembler à voir ce jeune homme , l' espoir de deux familles , hasardé entre ces deux puissantes et impitoyables machines , Catherine et les Guise .
Mais y a - t - il beaucoup de courages qui mesurent l' étendue de leurs dangers ? Par la manière dont étaient gardés le port de Blois , la ville et le château , Christophe s' attendait à trouver des pièges et des espions partout , il avait donc résolu de cacher la gravité de sa mission et la tension de son esprit sous l' apparence niaise et commerciale avec laquelle il venait de se montrer aux yeux du jeune Pardaillan , de l' officier de garde et du capitaine .
L' agitation qui dans un château royal accompagne l' heure du lever commençait à se manifester . Les seigneurs , dont les chevaux et les pages ou les écuyers restaient dans la cour extérieure du château , car personne , excepté le Roi et la reine , n' avait le droit d' entrer à cheval dans la cour intérieure , montaient par groupes le magnifique escalier , et envahissaient cette grande salle des gardes à deux cheminées , dont les fortes poutres sont aujourd' hui sans leurs ornements , où de méchants petits carreaux rouges remplacent les ingénieuses mosaïques des planchers , mais où les tapisseries de la Couronne cachaient alors les gros murs blanchis à la chaux aujourd' hui et où brillaient à l' envi les arts de cette époque unique dans les fastes de l' Humanité .
Réformés et catholiques venaient savoir les nouvelles , examiner les visages , autant que faire leur cour au Roi .
L' amour excessif de François II pour Marie Stuart , auquel ni les Guise ni la reine mère ne s' opposaient , et la complaisance politique avec laquelle s' y prêtait Marie Stuart , ôtaient au Roi tout pouvoir ; aussi , quoiqu' il eût dix - sept ans , ne connaissait - il de la royauté que les plaisirs , et du mariage que les voluptés d' une première passion .
Chacun faisait en réalité la cour à la reine Marie , à son oncle le cardinal de Lorraine et au grand maître .

CATHERINE MEDICIS (XI, philo)
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