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Lecamus , qui avait une immense fortune cachée , ne voulait courir aucun péril et préparait un brillant avenir à son fils . Au lieu d' avoir cette ambition personnelle qui souvent sacrifie l' avenir au présent , il avait l' ambition de famille , sentiment perdu de nos jours , étouffé par la sotte disposition de nos lois sur les successions .
Lecamus se voyait premier président au parlement de Paris dans la personne de son petit - fils .
Christophe , filleul du fameux de Thou l' historien , avait reçu la plus solide éducation ; mais elle l' avait conduit au doute et à l' examen qui gagnait les étudiants et les Facultés de l' Université . Christophe faisait en ce moment ses études pour débuter au barreau , ce premier degré de la magistrature .
Le vieux pelletier jouait l' hésitation à propos de son fils : il paraissait tantôt vouloir faire de Christophe son successeur , tantôt en faire un avocat ; mais sérieusement il ambitionnait pour ce fils une place de conseiller au Parlement .
Ce marchand voulait mettre la famille Lecamus au rang de ces vieilles et célèbres familles de bourgeoisie parisienne d' où sortirent les Pasquier , les Molé , les Miron , les Séguier , Lamoignon , du Tillet , Lecoigneux , Lescalopier , les Goix , les Arnauld , les fameux échevins et les grands prévôts des marchands parmi lesquels le trône trouva tant de défenseurs .
Aussi , pour que Christophe pût soutenir un jour son rang , voulait - il le marier à la fille du plus riche orfèvre de la Cité , son compère Lallier , dont le neveu devait présenter à Henri IV les clefs de Paris .
Le dessein le plus profondément enfoncé dans le coeur de ce bourgeois était d' employer la moitié de sa fortune et la moitié de celle de l' orfèvre à l' acquisition d' une grande et belle terre seigneuriale , affaire longue et difficile en ce temps .
Mais ce profond politique connaissait trop bien son temps pour ignorer les grands mouvements qui se préparaient : il voyait bien et voyait juste , en prévoyant la division du royaume en deux camps .
Les supplices inutiles de la place de l' Estrapade , l' exécution du couturier de Henri II , celle plus récente du conseiller Anne du Bourg , la connivence actuelle des grands seigneurs , celle d' une favorite , sous le règne de François 1er , avec les réformés , étaient de terribles indices .

CATHERINE MEDICIS (XI, philo)
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