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- Si c' était du Roi , encore passe , répondit le comte de Bauvan en souriant , mais ce n' est pas moi qui le blâmera ; l' autre me plaît , et ce sera sur cette Jument de Charrette que je vais maintenant faire la guerre . Elle ne roucoule pas , celle - là ... "
Les noms du marquis avaient été remplis à l' avance , les deux amants signèrent et les témoins après . La cérémonie commença . En ce moment , Marie entendit seule le bruit des fusils et celui de la marche lourde et régulière des soldats qui venaient sans doute relever le poste de Bleus qu' elle avait fait placer dans l' église .
Elle tressaillit et leva les yeux sur la croix de l' autel .
" Là voilà une sainte , dit tout bas Francine .
- Qu' on me donne de ces saintes - là , et je serai diablement dévot " , ajouta le comte à voix basse .
Lorsque le prêtre fit à Mlle de Verneuil la question d' usage , elle répondit par un oui accompagné d' un soupir profond . Elle se pencha à l' oreille de son mari et lui dit : " Dans peu vous saurez pourquoi je manque au serment que j' avais fait de ne jamais vous épouser . "
Lorsque après la cérémonie , l' assemblée passa dans une salle où le dîner avait été servi , et au moment où les convives s' assirent , Jérémie arriva tout épouvanté . La pauvre mariée se leva brusquement , alla au - devant de lui , suivie de Francine , et , sur un de ces prétextes que les femmes savent si bien trouver , elle pria le marquis de faire tout seul pendant un moment les honneurs du repas , et emmena le domestique avant qu' il eût commis une indiscrétion qui serait devenue fatale .
" Ah ! Francine , se sentir mourir , et ne pas pouvoir dire : Je meurs ! ... " s' écria Mlle de Verneuil qui ne reparut plus .
Cette absence pouvait trouver sa justification dans la cérémonie qui venait d' avoir lieu . à la fin du repas , et au moment où l' inquiétude du marquis était au comble , Marie revint dans tout l' éclat du vêtement des mariées .
Sa figure était joyeuse et calme , tandis que Francine qui l' accompagnait avait une terreur si profonde empreinte sur tous les traits , qu' il semblait aux convives voir dans ces deux figures un tableau bizarre où l' extravagant pinceau de Salvator Rosa aurait représenté la vie et la mort se tenant par la main .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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