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Pendant ce temps , Corentin était à la recherche du commandant . Il eut de la peine à reconnaître Hulot , en le trouvant sur une petite place où il s' occupait de quelques préparatifs militaires . En effet , le brave vétéran avait fait un sacrifice dont le mérite sera difficilement apprécié . Sa queue et ses moustaches étaient coupées , et ses cheveux , soumis au régime ecclésiastique , avaient un oeil de poudre .
Chaussée de gros souliers ferrés , ayant troqué son vieil uniforme bleu et son épée contre une peau de bique , armé d' une ceinture de pistolets et d' une lourde carabine , il passait en revue deux cents habitants de Fougères , dont les costumes auraient pu tromper l' oeil du Chouan le plus exercé .
L' esprit belliqueux de cette petite ville et le caractère breton se déployaient dans cette scène , qui n' était pas nouvelle .
çà et là , quelques mères , quelques soeurs , apportaient à leurs fils , à leurs frères , une gourde d' eau - de - vie ou des pistolets oubliés . Plusieurs vieillards s' enquéraient du nombre et de la bonté des cartouches de ces gardes nationaux déguisés en Contre - Chouans , et dont la gaieté annonçait plutôt une partie de chasse qu' une expédition dangereuse .
Pour eux , les rencontres de la chouannerie , où les Bretons des villes se battaient avec les Bretons des campagnes , semblaient avoir remplacé les tournois de la chevalerie .
Cet enthousiasme patriotique avait peut - être pour principe quelques acquisitions de biens nationaux .
Néanmoins les bienfaits de la Révolution mieux appréciés dans les villes , l' esprit de parti , un certain amour national pour la guerre entraient aussi pour beaucoup dans cette ardeur .
Hulot émerveillé parcourait les rangs en demandant des renseignements à Gudin , sur lequel il avait reporté tous les sentiments d' amitié jadis voués à Merle et à Gérard .
Un grand nombre d' habitants examinaient les préparatifs de l' expédition , en comparant la tenue de leurs tumultueux compatriotes à celle d' un bataillon de la demi - brigade de Hulot . Tous immobiles et silencieusement alignés , les Bleus attendaient , sous la conduite de leurs officiers , les ordres du commandant , que les yeux de chaque soldat suivaient de groupe en groupe .
En parvenant auprès du vieux chef de demi - brigade , Corentin ne put s' empêcher de sourire du changement opéré sur la figure de Hulot .
Il avait l' air d' un portrait qui ne ressemble plus à l' original .
" Qu' y a - t - il donc de nouveau ? lui demanda Corentin .
- Viens faire avec nous le coup de fusil et tu le sauras , lui répondit le commandant .
LES CHOUANS (VIII, milit)
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