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- Eh bien , vous censé mort , n' a - t - il pas fallu procéder à un inventaire , à une liquidation afin de donner ce quart aux hospices ? Votre femme ne s' est pas fait scrupule de tromper les pauvres . L' inventaire , où sans doute elle s' est bien gardée de mentionner l' argent comptant , les pierreries , où elle aura produit peu d' argenterie , et où le mobilier a été estimé à deux tiers au - dessous du prix réel , soit pour la favoriser , soit pour payer moins de droits au fisc , et aussi parce que les commissaires - priseurs sont responsables de leurs estimations , l' inventaire ainsi fait a établi six cent mille francs de valeurs . Pour sa part , votre veuve avait droit à la moitié .
Tout a été vendu , racheté par elle , elle a bénéficié sur tout , et les hospices ont eu leur soixante - quinze mille francs . Puis , comme le fisc héritait de vous , attendu que vous n' aviez pas fait mention de votre femme dans votre testament , l' Empereur a rendu par un décret à votre veuve la portion qui revenait au domaine public .
Maintenant , à quoi avez - vous droit ? à trois cent mille francs seulement , moins les frais .
- Et vous appelez cela la justice ? dit le colonel ébahi .
- Mais , certainement ...
- Elle est belle .
- Elle est ainsi , mon pauvre colonel . Vous voyez que ce que vous avez cru facile ne l' est pas . Mme Ferraud peut même vouloir garder la portion qui lui a été donnée par l' Empereur .
- Mais elle n' était pas veuve , le décret est nul ...
- D' accord . Mais tout se plaide . Écoutez - moi . Dans ces circonstances , je crois qu' une transaction serait , et pour vous et pour elle , le meilleur dénouement du procès . Vous y gagnerez une fortune plus considérable que celle à laquelle vous auriez droit .
- Ce serait vendre ma femme !
- Avec vingt - quatre mille francs de rente , vous aurez , dans la position où vous vous trouvez , des femmes qui vous conviendront mieux que la vôtre , et qui vous rendront plus heureux . Je compte aller voir aujourd' hui même Mme la comtesse Ferraud afin de sonder le terrain ; mais je n' ai pas voulu faire cette démarche sans vous en prévenir .
- Allons ensemble chez elle ...
- Fait comme vous êtes ? dit l' avoué . Non , non , colonel , non . Vous pourriez y perdre tout à fait votre procès ...
- Mon procès est - il gagnable ?

COLONEL CHABERT (III, privé)
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