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Chacune de ces pièces , flanquée de deux gros murs mitoyens , éclairée sur la rue , se trouvait totalement isolée , au moyen de portes battantes très épaisses qui faisaient une double fermeture sur le palier . On pouvait donc causer de secrets importants en dînant sans courir le risque d' être entendu . Pour plus de sûreté , les fenêtres étaient pourvues de persiennes au - dehors et de volets en dedans .
Ces chambres , à cause de cette particularité , coûtaient trois cents francs par mois . Cette maison , grosse de paradis et de mystères , était louée vingt - quatre mille francs à Mme Nourrisson 1re , qui en gagnait vingt mille , bon an , mal an , sa gérante ( Mme Nourrisson IIe ) payée , car elle n' administrait point par elle - même .
Le paradis loué au comte Steinbock avait été tapissé de perse . La froideur et la dureté d' un ignoble carreau rougi d' encaustique ne se sentait plus aux pieds sous un moelleux tapis . Le mobilier consistait en deux jolies chaises et un lit dans une alcôve , alors à demi caché par une table chargée des restes d' un dîner fin , et où deux bouteilles à longs bouchons et une bouteille de vin de Champagne éteinte dans sa glace jalonnaient les champs de Bacchus cultivés par Vénus .
On voyait , envoyés sans doute par Valérie , un bon fauteuil ganache à côté d' une chauffeuse , et une jolie commode en bois de rose avec sa glace bien encadrée en style Pompadour .
Une lampe au plafond donnait un demi - jour accru par les bougies de la table et par celles qui décoraient la cheminée .
Ce croquis peindra , urbi et orbi , l' amour clandestin dans les mesquines proportions qu' y imprime le Paris de 1840 . à quelle distance est - on , hélas ! de l' amour adultère symbolisé par les filets de Vulcain , il y a trois mille ans .
Au moment où Cydalise et le baron montaient , Valérie , debout devant la cheminée , où brûlait une falourde , se faisait lacer par Wenceslas . C' est le moment où la femme qui n' est ni trop grasse ni trop maigre , comme était la fine , l' élégante Valérie , offre des beautés surnaturelles .
La chair rosée , à teintes moites , sollicite un regard des yeux les plus endormis . Les lignes du corps , alors si peu voilé , sont si nettement accusées par les plis éclatants du jupon et par le basin du corset , que la femme est irrésistible , comme tout ce qu' on est obligé de quitter .

LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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