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" Oh ! attendez ! il y aura du tirage ! Moi , je suis un bon vivant , un bon enfant , sans préjugés , et je vais vous dire tout bonifacement les choses . Vous voulez faire comme Valérie , bon . Cela ne suffit pas , il faut un Gogo , un actionnaire , un Hulot . Je connais un gros épicier retiré , c' est même un bonnetier . C' est lourd , épais , sans idées , je le forme , et je ne sais pas quand il pourra me faire honneur .
Mon homme est député , bête et vaniteux , conservé par la tyrannie d' une espèce de femme à turban , au fond de la province , dans une entière virginité sous le rapport du luxe et des plaisirs de la vie parisienne ; mais Beauvisage ( il se nomme Beauvisage ) est millionnaire , et il donnerait comme moi , ma chère petite , il y a trois ans , cent mille écus pour être aimé d' une femme comme il faut ... Oui , dit - il en croyant avoir bien interprété le geste que fit Adeline , il est jaloux de moi , voyez - vous ! ... oui , jaloux de mon bonheur avec Mme Marneffe , et le gars est homme à vendre une propriété pour être propriétaire d' une ...
- Assez ! monsieur Crevel , dit Mme Hulot en ne déguisant plus son dégoût et laissant paraître toute sa honte sur son visage . Je suis punie maintenant au - delà de mon péché . Ma conscience , si violemment contenue par la main de fer de la nécessité , me crie à cette dernière insulte que de tels sacrifices sont impossibles .
Je n' ai plus de fierté , je ne me courrouce point comme jadis , je ne vous dirai pas : " Sortez ! " après avoir reçu ce coup mortel .
J' en ai perdu le droit : je me suis offerte à vous , comme une prostituée ... Oui , reprit - elle en répondant à un geste de dénégation , j' ai sali ma vie , jusqu' ici pure , par une intention ignoble ; et ... Je suis sans excuse , je le savais ! ... Je mérite toutes les injures dont vous m' accablez ! Que la volonté de Dieu s' accomplisse ! S' il veut la mort de deux êtres dignes d' aller à lui , qu' ils meurent , je les pleurerai , je prierai pour eux ! S' il veut l' humiliation de notre famille , courbons - nous sous l' épée vengeresse , et baisons - la , chrétiens que nous sommes ! Je sais comment expier cette honte d' un moment qui sera le tourment de tous mes derniers jours .
Ce n' est plus Mme Hulot , monsieur , qui vous parle , c' est la pauvre , l' humble pécheresse , la chrétienne dont le coeur n' aura plus qu' un seul sentiment , le repentir , et qui sera toute à la prière et à la charité .
Je ne puis être que la dernière des femmes et la première des repenties par la puissance de ma faute .

LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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