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Effrayée de l' accent presque indifférent de sa mère , Hortense la regarda , reconnut l' expression d' une douleur auprès de laquelle la sienne devait pâlir , et elle vint embrasser sa mère à qui elle dit : " Qu' as - tu , maman ? qu' arrive - t - il , pouvons - nous être plus malheureuses que nous ne le sommes ?
- Mon enfant , il me semble en comparaison de ce que je souffre aujourd' hui que mes horribles souffrances passées ne sont rien . Quand ne souffrirai - je plus ?
- Au ciel , ma mère ! dit gravement Hortense .
- Viens , mon ange , tu m' aideras à m' habiller ... mais non ... Je ne veux pas que tu t' occupes de cette toilette . Envoie - moi Louise . "
Adeline rentrée dans sa chambre , alla s' examiner au miroir . Elle se contempla tristement et curieusement en se demandant à elle - même : " Suis - je encore belle ? ... peut - on me désirer encore ? ... Ai - je des rides ? ... "
Elle souleva ses beaux cheveux blonds et se découvrit les tempes ! Là tout était frais comme chez une jeune fille . Adeline alla plus loin , elle se découvrit les épaules et fut satisfaite , elle eut un mouvement d' orgueil .
La beauté des épaules qui sont belles , est celle qui s' en va la dernière chez la femme , surtout quand la vie a été pure . Adeline choisit avec soin les éléments de sa toilette ; mais la femme pieuse et chaste resta chastement mise , malgré ses petites inventions de coquetterie .
à quoi bon des bas de soie gris tout neufs , des souliers en satin à cothurnes , puisqu' elle ignorait totalement l' art d' avancer , au moment décisif , un joli pied en le faisant dépasser de quelques lignes une robe à demi soulevée pour ouvrir des horizons au désir ! Elle mit bien sa plus jolie robe de mousseline à fleurs peintes , décolletée et à manches courtes ; mais , épouvantée de ses nudités , elle couvrit ses beaux bras de manches en gaze claire , elle voila sa poitrine et ses épaules d' un fichu brodé .
Sa coiffure à l' anglaise lui parut être trop significative , elle en éteignit l' entrain par un très joli bonnet ; mais , avec ou sans bonnet , eût - elle su jouer avec ses rouleaux dorés pour exhiber , pour faire admirer ses mains en fuseau ? ... Voici quel fut son fard .
La certitude de sa criminalité , les préparatifs d' une faute délibérée causèrent à cette sainte femme une violente fièvre qui lui rendit l' éclat de la jeunesse pour un moment .
Ses yeux brillèrent , son teint resplendit .
Au lieu de se donner un air séduisant , elle se vit en quelque sorte un air dévergondé qui lui fit horreur .

LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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