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" Quel infâme drôle ! se dit le baron . Ceci ressemble assez à une sommation de payer dans les vingt - quatre heures , sous peine d' expropriation . " Deux heures après , au moment où le baron achevait d' endoctriner Claude Vignon , qu' il voulait envoyer au ministère de la Justice prendre des renseignements sur les autorités judiciaires dans la circonscription desquelles se trouvait Johann Fischer , Reine ouvrit le cabinet de M .
le directeur , et vint lui remettre une petite lettre en en demandant la réponse .
" Envoyer Reine ! se dit le baron . Valérie est folle , elle nous compromet tous , et compromet la nomination de cet abominable Marneffe ! "
Il congédia le secrétaire particulier du ministre et lut ce qui suit :
" Ah ! mon ami , quelle scène je viens de subir ; si tu m' as donné le bonheur depuis trois ans , je l' ai bien payé ! Il est rentré de son bureau dans un état de fureur à faire frissonner . Je le connaissais bien laid , je l' ai vu monstrueux .
Ses quatre véritables dents tremblaient , et il m' a menacée de son odieuse compagnie , si je continuais à te recevoir . Mon pauvre chat , hélas ! notre porte sera fermée pour toi désormais .
Tu vois mes larmes , elles tombent sur mon papier , elles le trempent ! pourras - tu me lire , mon cher Hector ? Ah ! ne plus te voir , renoncer à toi , quand j' ai en moi un peu de ta vie comme je crois avoir ton coeur , c' est à en mourir .
Songe à notre petit Hector ! ne m' abandonne pas , mais ne te déshonore pas pour Marneffe , ne cède pas à ses menaces ! Ah ! je t' aime comme je n' ai jamais aimé ! Je me suis rappelé tous les sacrifices que tu as faits pour ta Valérie , elle n' est pas et ne sera jamais ingrate : tu es , tu seras mon seul mari .
Ne pense plus aux douze cents francs de rente que je te demande pour ce cher petit Hector qui viendra dans quelques mois ... je ne veux plus rien te coûter .
D' ailleurs , ma fortune sera toujours la tienne .
" Ah ! si tu m' aimais autant que je t' aime , mon Hector , tu prendrais ta retraite , nous laisserions là chacun nos familles , nos ennuis , nos entourages où il y a tant de haine , et nous irions vivre avec Lisbeth dans un joli pays , en Bretagne , où tu voudras .
Là nous ne verrions personne , et nous serions heureux , loin de tout ce monde . Ta pension de retraite , et le peu que j' ai , en mon nom , nous suffira .

LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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