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- Les razzias , l' achour , les khalifas . Il y a dans l' Algérie ( pays encore peu connu , quoique nous y soyons depuis huit ans ) énormément de grains et de fourrages . Or , quand ces denrées appartiennent aux Arabes , nous les leur prenons sous une foule de prétextes ; puis , quand elles sont à nous , les Arabes s' efforcent de les reprendre . On combat beaucoup pour le grain ; mais on ne sait jamais au juste les quantités qu' on a volées de part et d' autre . On n' a pas le temps , en rase campagne , de compter les blés par hectolitre comme à la Halle et les foins comme à la rue d' Enfer .
Les chefs arabes , aussi bien que nos spahis , préférant l' argent , vendent alors ces denrées à de très bas prix .
L' administration de la Guerre , elle , a des besoins fixes ; elle passe des marchés à des prix exorbitants , calculés sur la difficulté de se procurer des vivres , sur les dangers que courent les transports .
Voilà l' Algérie au point de vue vivrier . C' est un gâchis tempéré par la bouteille à l' encre de toute administration naissante . Nous ne pouvons pas y voir clair avant une dizaine d' années , nous autres administrateurs , mais les particuliers ont de bons yeux .
Donc , je vous envoie y faire votre fortune ; je vous y mets , comme Napoléon mettait un maréchal pauvre à la tête d' un royaume où l' on pouvait protéger secrètement la contrebande .
Je suis ruiné , mon cher Fischer . Il me faut cent mille francs dans un an d' ici ...
- Je ne vois pas de mal à les prendre aux Bédouins , répliqua tranquillement l' Alsacien . Cela se faisait ainsi sous l' Empire ...
- L' acquéreur de votre établissement viendra vous voir ce matin et vous comptera dix mille francs , reprit le baron Hulot . N' est - ce pas tout ce qu' il vous faut pour aller en Afrique ? "
Le vieillard fit un signe d' assentiment .
" Quant aux fonds , là - bas , soyez tranquille , reprit le baron . Je toucherai le reste du prix de votre établissement d' ici , j' en ai besoin .
- Tout est à vous , même mon sang , dit le vieillard .
- Oh ! ne craignez rien , reprit le baron en croyant à son oncle plus de perspicacité qu' il n' en avait ; quant à nos affaires d' achour , votre probité n' en souffrira pas , tout dépend de l' autorité ; or , c' est moi qui ai placé là - bas l' autorité , je suis sûr d' elle .
Ceci , papa Fischer , est un secret de vie et de mort ; je vous connais , je vous ai parlé sans détours ni circonlocutions .
- On ira , dit le vieillard . Et cela durera ? ...
- Deux ans ! Vous aurez cent mille francs à vous pour vivre heureux dans les Vosges .
LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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