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Dès 1823 , la modicité du loyer dans des maisons condamnées à disparaître avait engagé la cousine Bette à se loger là , malgré l' obligation que l' état du quartier lui faisait de se retirer avant la nuit close . Cette nécessité s' accordait d' ailleurs avec l' habitude villageoise qu' elle avait conservée de se coucher et de se lever avec le soleil , ce qui procure aux gens de la campagne de notables économies sur l' éclairage et le chauffage .
Elle demeurait donc dans une des maisons auxquelles la démolition du fameux hôtel occupé par Cambacérès a rendu la vue de la place .
Au moment où le baron Hulot mit la cousine de sa femme à la porte de cette maison en lui disant : " Adieu , cousine ! " , une jeune femme , petite , svelte , jolie , mise avec une grande élégance , exhalant un parfum choisi , passait entre la voiture et la muraille pour entrer aussi dans la maison .
Cette dame échangea , sans aucune espèce de préméditation , un regard avec le baron , uniquement pour voir le cousin de la locataire ; mais le libertin ressentit cette vive impression , passagère chez tous les Parisiens , quand ils rencontrent une jolie femme qui réalise , comme disent les entomologistes leur desiderata , et il mit avec une sage lenteur un de ses gants avant de remonter en voiture , pour se donner une contenance et pouvoir suivre : de l' oeil la jeune femme dont la robe était agréablement balancée par autre chose que par ces affreuses et frauduleuses sous - jupes en crinoline .
" Voilà , se disait - il , une gentille petite femme de qui je ferais volontiers le bonheur , car elle ferait le mien . "
Quand l' inconnue eut atteint le palier de l' escalier qui desservait le corps de logis situé sur la rue , elle regarda la porte cochère du coin de l' oeil , sans se retourner positivement , et vit le baron cloué sur place par l' admiration , dévoré de désir et de curiosité .
C' est comme une fleur que toutes les Parisiennes respirent avec plaisir , en la trouvant sur leur passage . Certaines femmes attachées à leurs devoirs , vertueuses et jolies , reviennent au logis assez maussades , lorsqu' elles n' ont pas fait leur petit bouquet pendant la promenade .
La jeune femme monta rapidement l' escalier . Bientôt une fenêtre de l' appartement du deuxième étage s' ouvrit , et la jeune femme s' y montra , mais en compagnie d' un monsieur dont le crâne pelé , dont l' oeil peu courroucé révélaient un mari .
LA COUSINE BETTE (VII, paris)
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