----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Ah ! voici mon frère ! " dit le baron Hulot en allant recevoir le comte à la porte du salon .
Après avoir embrassé le successeur probable du feu maréchal Montcornet , il l' amena en lui prenant le bras avec des démonstrations d' affection et de respect .
Ce pair de France , dispensé d' aller aux séances à cause de sa surdité , montrait une belle tête froidie par les années , à cheveux gris encore assez abondants pour étre comme collés par la pression du chapeau .
Petit , trapu , devenu sec , il portait sa verte vieillesse d' un air guilleret ; et comme il conservait une excessive activité condamnée au repos , il partageait son temps entre la lecture et la promenade .
Ses moeurs douces se voyaient sur sa figure blanche , dans son maintien , dans son honnête discours plein de choses sensées . Il ne parlait jamais guerre ni campagne ; il savait être trop grand pour avoir besoin de faire de la grandeur .
Dans un salon , il bornait son rôle à une observation continuelle des désirs des femmes .
" Vous êtes tous gais , dit - il en voyant l' animation que le baron répandait dans cette petite réunion de famille . Hortense n' est cependant pas mariée , ajouta - t - il en reconnaissant sur le visage de sa belle - soeur des traces de mélancolie .
- ça viendra toujours assez tôt , lui cria dans l' oreille la Bette d' une voix formidable .
- Vous voilà bien , mauvaise graine qui n' a pas voulu fleurir ! " répondit - il en riant .
Le héros de Forzheim aimait assez la cousine Bette , car il se trouvait entre eux des ressemblances . Sans éducation , sorti du peuple , son courage avait été l' unique artisan de sa fortune militaire , et son bon sens lui tenait lieu d' esprit .
Plein d' honneur , les mains pures , il finissait radieusement sa belle vie , au milieu de cette famille où se trouvaient toutes ses affections , sans soupçonner les égarements encore secrets de son frère .
Nul plus que lui ne jouissait du beau spectacle de cette réunion , où jamais il ne s' élevait le moindre sujet de discorde , où frères et soeurs s' aimaient également , car Célestine avait été considérée aussitôt comme de la famille .
Aussi le brave petit comte Hulot demandait - il de temps en temps pourquoi le père Crevel ne venait pas . " Mon père est à la campagne ! " lui criait Célestine .

LA COUSINE BETTE (VII, paris)
Page: 98