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La faillite est la fermeture plus ou moins hermétique d' une maison où le pillage a laissé quelques sacs d' argent . Heureux le négociant qui se glisse par la fenêtre , par le toit , par les caves , par un trou , qui prend un sac et grossit sa part ! Dans cette déroute , où se crie le sauve - qui - peut de la Bérézina , tout est illégal et légal , faux et vrai , honnête et déshonnête .
Un homme est admiré s' il se couvre . Se couvrir est s' emparer de quelques valeurs au détriment des autres créanciers .
La France a retenti des débats d' une immense faillite éclose dans une ville où siégeait une Cour royale , et où les magistrats , en comptes courants avec les faillis , s' étaient donné des manteaux en caoutchouc si pesants que le manteau de la justice en fut troué .
Force fut , pour cause de suspicion légitime , de déférer le jugement de la faillite dans une autre Cour . Il n' y avait ni juge - commissaire , ni agent , ni cour souveraine possible dans l' endroit où la banqueroute avait éclaté .
Cet effroyable gâchis commercial est si bien apprécié à Paris , qu' à moins d' être intéressé dans la faillite pour une somme capitale , tout négociant , quelque peu affairé qu' il soit , accepte la faillite comme un sinistre sans assureurs , passe la perte au compte des profits et pertes et ne commet pas la sottise de dépenser son temps ; il continue à brasser ses affaires .
Quant au petit commerçant , harcelé par ses fins de mois , occupé de suivre le char de sa fortune , un procès effrayant de durée et coûteux à entamer l' épouvante , il renonce à y voir clair , imite le gros négociant , et baisse la tête en réalisant sa perte .
Les gros négociants ne déposent plus leur bilan , ils liquident à l' amiable : les créanciers donnent quittance en prenant ce qu' on leur offre . On évite alors le déshonneur , les délais judiciaires , les honoraires d' agréés , les dépréciations de marchandises .
Chacun croit que la faillite donnerait moins que la liquidation . Il y a plus de liquidations que de faillites à Paris .
L' acte des syndics est destiné à prouver que tout syndic est incorruptible , qu' il n' y a jamais entre eux et le failli la moindre collusion . Le parterre , qui a été plus ou moins syndic , sait que tout syndic est un créancier couvert .

CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
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