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La caisse et la surveillance du magasin étaient confiées à la fille du parfumeur , qui , placée au - dessus de la première demoiselle , remplaçait le maître et la maîtresse de la maison .
Quant à Mme César , elle alla le jour même chez Popinot lui demander de tenir chez lui la caisse , les écritures et le ménage . Popinot comprit que sa maison était la seule où la femme du parfumeur pourrait trouver les respects qui lui étaient dus et une position sans infériorité .
Le noble enfant lui donna trois mille francs par an , la nourriture , son logement qu' il fit arranger , et prit pour lui la mansarde d' un commis .
Ainsi la belle parfumeuse , après avoir joui pendant un mois des somptuosités de son appartement , dut habiter l' effroyable chambre , ayant vue sur la cour obscure et humide , où Gaudissart , Anselme et Finot avaient inauguré l' Huile céphalique .
Quand Molineux , nommé agent par le tribunal de commerce , vint prendre possession de l' actif de César Birotteau , Constance aidée par Célestin vérifia l' inventaire avec lui . Puis la mère et la fille sortirent , à pied dans une mise simple , et allèrent chez leur oncle Pillerault sans retourner la tête , après avoir demeuré dans cette maison le tiers de leur vie .
Elles cheminèrent en silence vers la rue des Bourdonnais où elles dînèrent avec César pour la première fois depuis leur séparation .
Ce fut un triste dîner . Chacun avait eu le temps de faire ses réflexions , de mesurer l' étendue de ses obligations et de sonder son courage .
Tous trois étaient comme des matelots prêts à lutter avec le mauvais temps , sans se dissimuler le danger . Birotteau reprit courage en apprenant avec quelle sollicitude de grands personnages lui avaient arrangé un sort , mais il pleura quand il sut ce qu' allait devenir sa fille .
Puis , il tendit la main à sa femme en voyant le courage avec lequel elle recommençait à travailler .
L' oncle Pillerault eut pour la dernière fois de sa vie les yeux mouillés à l' aspect du touchant tableau de ces trois êtres unis , confondus dans un embrassement au milieu duquel Birotteau , le plus faible des trois , le plus abattu , leva la main en disant : " Espérons ! "

CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
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