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Finot vit trois mille francs pour lui dans ces huit mille francs , son premier enjeu à jeter sur le grand et immense tapis vert de la Spéculation ! Il s' était donc élancé comme un lion sur ses amis , sur ses connaissances ; il habitait alors les bureaux de rédaction , il se glissait au chevet du lit de tous les rédacteurs , le matin ; et le soir il arpentait les foyers de tous les théâtres .
" Pense à mon huile , cher ami , je n' y suis pour rien , affaire de camaraderie , tu sais ! Gaudissart , un bon vivant .
" Telle était la première et la dernière phrase de tous ses discours . Il assaillit le bas de toutes colonnes finales aux journaux où il fit des articles en en laissant l' argent aux rédacteurs .
Rusé comme un figurant qui veut passer acteur , alerte comme un saute - ruisseau qui gagne soixante francs par mois , il écrivit des lettres captieuses , il flatta tous les amours - propres , il rendit d' immondes services aux rédacteurs en chef , afin d' obtenir ses articles .
Argent , dîners , platitudes , tout servit son activité passionnée .
Il corrompit avec des billets de spectacle les ouvriers qui , vers minuit , achèvent les colonnes des journaux en prenant quelques articles dans les petits faits , toujours prêts , les en cas du journal .
Finot se trouvait alors dans l' imprimerie , occupé comme s' il avait un article à revoir . Ami de tout le monde , il fit triompher l' Huile céphalique de la pâte de Regnault , de la Mixture brésilienne , de toutes les inventions qui , les premières , eurent le génie de comprendre l' influence du journalisme et l' effet de piston produit sur le public par un article réitéré .
Dans ce temps d' innocence , beaucoup de journalistes étaient comme les boeufs , ils ignoraient leurs forces , ils s' occupaient d' actrices , de Florine , de Tullia , de Mariette , etc .
Ils régentaient tout , et ne ramassaient rien .
Les prétentions d' Andoche ne concernaient ni une actrice à faire applaudir , ni une pièce à faire jouer , ni ses vaudevilles à faire recevoir , ni des articles à faire payer ; au contraire , il offrait de l' argent en temps utile , un déjeuner à propos ; il n' y eut donc pas un journal qui ne parlât de l' Huile céphalique , de sa concordance avec les analyses de Vauquelin , qui ne se moquât de ceux qui croient que l' on peut faire pousser les cheveux , qui ne proclamât le danger de les teindre .

CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
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