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Apprends la première que je suis chevalier de la Légion d' honneur : le Roi a signé hier l' ordonnance .
- Oh ! alors , dit Mme Birotteau tout émue , faut donner le bal , mon bon ami . Mais qu' as - tu donc tant fait pour avoir la croix ?
- Quand hier M . de La Billardière m' a dit cette nouvelle , reprit Birotteau embarrassé , je me suis demandé , comme toi , quels étaient mes titres ; mais en revenant j' ai fini par les reconnaître et par approuver le gouvernement .
D' abord , je suis royaliste , j' ai été blessé à Saint - Roch en vendémiaire , n' est - ce pas quelque chose que d' avoir porté les armes dans ce temps - là pour la bonne cause ? Puis , selon quelques négociants , je me suis acquitté de mes fonctions consulaires à la satisfaction générale .
Enfin , je suis adjoint , le Roi accorde quatre croix au corps municipal de la ville de Paris . Examen fait des personnes qui , parmi les adjoints pouvaient être décorées , le préfet m' a porté le premier sur la liste .
Le Roi doit d' ailleurs me connaître : grâce au vieux Ragon , je lui fournis la seule poudre dont il veuille faire usage , nous possédons seuls la recette de la poudre de la feue reine , pauvre chère auguste victime ! Le maire m' a violemment appuyé .
Que veux - tu ? Si le Roi me donne la croix sans que je la lui demande , il me semble que je ne peux pas la refuser sans lui manquer à tous égards .
Ai - je voulu être adjoint ? Aussi , ma femme , puisque nous avons le vent en pompe , comme dit ton oncle Pillerault quand il est dans ses gaietés , suis - je décidé à mettre chez nous tout d' accord avec notre haute fortune .
Si je puis être quelque chose , je me risquerai à devenir ce que le bon Dieu voudra que je sois , sous - préfet , si tel est mon destin .
Ma femme , tu commets une grave erreur en croyant qu' un citoyen a payé sa dette à son pays après avoir débité pendant vingt ans des parfumeries à ceux qui venaient en chercher .
Si l' État réclame le concours de nos lumières , nous les lui devons , comme nous lui devons l' impôt mobilier , les portes et les fenêtres et caetera . As - tu donc envie de toujours rester dans ton comptoir ? Il y a , Dieu merci , bien assez longtemps que tu y séjournes .

CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
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