----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Sans les Aspasies du quartier Notre - Dame de Lorette , il ne se bâtirait pas tant de maisons à Paris . Pionniers des plâtres neufs , elles vont remorquées par la Spéculation le long des collines de Montmartre , plantant les piquets de leurs tentes , soit dit sans jeu de mots , dans ces solitudes de moellons sculptés qui meublent les rues européennes d' Amsterdam , de Milan , de Stockholm , de Londres , de Moscou , steppes architecturales où le vent fait mugir d' innombrables écriteaux qui en accusent le vide par ces mots : Appartements à louer ! La situation de ces dames se détermine par celle qu' elles prennent dans ces quartiers apocryphes ; si leur maison se rapproche de la ligne tracée par la rue de Provence , la femme a des rentes , son budget est prospère ; mais cette femme s' élève - t - elle vers la ligne des boulevards extérieurs , remonte - t - elle vers la ville affreuse des Batignolles , elle est sans ressources .
Or , quand M . de Rochefide rencontra Mme Schontz , elle occupait le troisième étage de la seule maison qui existât rue de Berlin , elle campait donc sur la lisière du malheur et sur celle de Paris .
Cette femme - fille ne se nommait , vous devez le pressentir , ni Schontz ni Aurélie ! Elle cachait le nom de son père , un vieux soldat de l' Empire , l' éternel colonel qui fleurit à l' aurore de ces existences féminines soit comme père , soit comme séducteur .
Mme Schontz avait joui de l' éducation gratuite de Saint - Denis , où l' on élève admirablement les jeunes personnes , mais qui n' offre aux jeunes personnes ni maris ni débouchés au sortir de cette école , admirable création de l' Empereur à laquelle il ne manque qu' une seule chose : l' Empereur ! " Je serai là , pour pourvoir les filles de mes légionnaires " , répondit - il à l' observation d' un de ses ministres qui prévoyait l' avenir .
Napoléon avait dit aussi : " Je serai là ! " pour les membres de l' Institut à qui l' on devrait ne donner aucun appointement plutôt que de leur envoyer quatre - vingt - trois francs par mois , traitement inférieur à celui de certains garçons de bureau .
Aurélie était bien réellement la fille de l' intrépide colonel Schiltz , un chef de ces audacieux partisans alsaciens qui faillirent sauver l' Empereur dans la campagne de France , et qui mourut à Metz , pillé , volé , ruiné .
En 1814 , Napoléon mit à Saint - Denis la petite Joséphine Schiltz , alors âgée de neuf ans .
Orpheline de père et de mère , sans asile , sans ressources , cette pauvre enfant ne fut pas chassée de l' établissement au second retour des Bourbons .
Elle y fut sous - maîtresse jusqu' en 1827 ; mais alors la patience lui manqua , sa beauté la séduisit .
à sa majorité , Joséphine Schiltz , la filleule de l' impératrice , aborda la vie aventureuse des courtisanes , conviée à ce douteux avenir par l' exemple fatal de quelques - unes de ses camarades , comme elle sans ressources , et qui s' applaudissaient de leur résolution .
Elle substitua un on à l' il du nom paternel et se plaça sous le patronage de sainte Aurélie .

BEATRIX (II, privé)
Page: 897