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Le vicomte de Portenduère et sa femme , un charmant ménage , avaient fini par devenir intimes avec les du Guénic au point de payer leur loge aux Italiens par moitié . Les deux jeunes femmes , Ursule et Sabine , avaient été conviées à cette amitié par le délicieux échange de conseils , de soins , de confidences à propos des enfants .
Pendant que Calyste , assez novice en mensonge , se disait : " Je vais aller prévenir Savinien " , Sabine se disait : " Il me semble que le papier porte une couronne ! ... " Cette réflexion passa comme un éclair dans cette conscience , et Sabine se gourmanda de l' avoir faite ; mais elle se proposa de chercher le papier que , la veille , au milieu des terreurs auxquelles elle était en proie , elle avait jeté dans sa boîte aux lettres .
Après le déjeuner Calyste sortit en disant à sa femme qu' il allait rentrer , il monta dans une de ces petites voitures basses à un cheval par lesquelles on commençait à remplacer l' incommode cabriolet de nos ancêtres .
Il courut en quelques minutes rue des Saints - Pères où demeurait le vicomte , qu' il pria de lui rendre le petit service de mentir à charge de revanche , dans le cas où Sabine questionnerait la vicomtesse .
Une fois dehors , Calyste , ayant préalablement demandé la plus grande vitesse , alla de la rue des Saints - Pères à la rue de Chartres en quelques minutes , il voulait voir comment Béatrix avait passé le reste de la nuit .
Il trouva l' heureuse infortunée sortie du bain , fraîche , embellie , et déjeunant de fort bon appétit . Il admira la grâce avec laquelle cet ange mangeait des oeufs à la coque , et s' émerveilla du déjeuner en or , présent d' un lord mélomane à qui Conti fit quelques romances pour lesquelles le lord avait donné ses idées et qui les avait publiées comme de lui .
Il écouta quelques traits piquants dits par son idole dont la grande affaire était de l' amuser tout en se fâchant et pleurant au moment où il partait .
Il crut n' être resté qu' une demi - heure , et il ne rentra chez lui qu' à trois heures .
Son beau cheval anglais , un cadeau de la vicomtesse de Grandlieu , semblait sortir de l' eau tant il était trempé de sueur . Par un hasard que préparent toutes les femmes jalouses , Sabine stationnait à une fenêtre donnant sur la cour , impatiente de ne pas voir rentrer Calyste , inquiète sans savoir pourquoi .

BEATRIX (II, privé)
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