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Quand le baron du Guénic se vit chez lui , la splendeur de ses appartements le fit songer à l' espèce de médiocrité dont avait parlé Béatrix , et il prit sa fortune en haine de ce qu' elle ne pouvait appartenir à l' ange déchu . Quand il apprit que Sabine était depuis longtemps couchée , il fut fort heureux de se trouver riche d' une nuit pour vivre avec ses émotions .
Il maudit alors la divination que l' amour donnait à Sabine . Lorsque , par aventure un homme est adoré de sa femme , elle lit sur ce visage comme dans un livre , elle connaît les moindres tressaillements des muscles , elle sait d' où vient le calme , elle se demande compte de la plus légère tristesse , et recherche si c' est elle qui la cause , elle étudie les yeux ; pour elle , les yeux se teignent de la pensée dominante , ils aiment ou ils n' aiment pas .
Calyste se savait l' objet d' un culte si profond , si naïf , si jaloux , qu' il douta de pouvoir se composer une figure discrète sur le changement survenu dans son moral .
" Comment ferai - je , demain matin ? ... " se dit - il en s' endormant et redoutant l' espèce d' inspection à laquelle se livrait Sabine .
En abordant Calyste et même parfois dans la journée , Sabine lui demandait : " M' aimes - tu toujours ? " Ou bien : " Je ne t' ennuie pas ? " Interrogations gracieuses variées selon le caractère ou l' esprit des femmes , et qui cachent leurs angoisses ou feintes ou réelles .
Il vient à la surface des coeurs les plus nobles et les plus purs des boues soulevées par les ouragans . Ainsi le lendemain matin , Calyste , qui certes aimait son enfant , tressaillit de joie en apprenant que Sabine guettait la cause de quelques convulsions en craignant le croup et qu' elle ne voulait pas quitter le petit Calyste .
Le baron prétexta d' une affaire et sortit en évitant de déjeuner à la maison .

BEATRIX (II, privé)
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