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J' ai donc été prise comme toutes les femmes qui veulent se laisser prendre , et qui s' en remettent au hasard pour dénouer e noeud gordien de leur indécision . Et nous sommes allés aux Touches .
" C' est délicieux , c' est d' un goût profondément artiste et je me plais dans cet abîme où Mlle des Touches m' avait tant défendu d' aller . Toutes les fleurs vénéneuses sont charmantes , Satan les a semées , car il y a les fleurs du diable et les fleurs de Dieu ! nous n' avons qu' à rentrer en nous - mêmes pour voir qu' ils ont créé le monde de moitié .
Quelles âcres délices dans cette situation où je jouais non pas avec le feu , mais avec les cendres ! ... J' étudiais Calyste , il s' agissait de savoir si tout était bien éteint , et je veillais aux courants d' air , croyez - moi ! J' épiais son visage en allant de pièce en pièce , de meuble en meuble , absolument comme les enfants qui cherchent un objet caché .
Calyste m' a paru pensif , mais j' ai cru d' abord avoir vaincu .
Je me suis sentie assez forte pour parler de Mme de Rochefide que , depuis l' aventure du rocher au Croisic , j' appelle Rocheperfide .
Enfin nous sommes allés voir le fameux buis où s' est arrêtée Béatrix quand il l' a jetée à la mer pour qu' elle ne fût à personne .
" Elle doit être bien légère pour être restée là " , ai - je dit en riant . Calyste a gardé le silence . " Respectons les morts " ai - je dit en continuant . Calyste est resté silencieux . " T' ai - je déplu ? Non , mais cesse de galvaniser cette passion " a - t - il répondu .
Quel mot ! ... Calyste , qui m' en a vue triste , a redoublé de soins et de tendresse pour moi .
Août .
" J' étais , hélas ! au fond de l' abîme , et je m' amusais , comme les innocentes de tous les mélodrames , à y cueillir des fleurs . Tout à coup une pensée horrible a chevauché dans mon bonheur , comme le cheval à travers la ballade allemande .
J' ai cru deviner que l' amour de Calyste s' agrandissait de ses réminiscences , qu' il reportait sur moi les orages que je ravivais en lui rappelant les coquetteries de cette affreuse Béatrix .

BEATRIX (II, privé)
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