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Malheureusement le désir de faire oublier Mme de Rochefide m' a menée trop loin . Que voulez - vous ? J' aime , et je suis presque portugaise , car je tiens plus de vous que de mon père . Calyste a tout accepté de moi , comme acceptent les enfants gâtés , il est fils unique d' abord . Entre nous , je ne donnerai pas ma fille , si jamais j' ai des filles , à un fils unique .
C' est bien assez de se mettre à la tête d' un tyran , et j' en vois plusieurs dans un fils unique . Ainsi donc nous avons interverti les rôles , je me suis comportée comme une femme dévouée .
Il y a des dangers dans un dévouement dont on profite , on y perd sa dignité . Je vous annonce donc le naufrage de cette demi - vertu . La dignité n' est qu' un paravent placé par l' orgueil et derrière lequel nous enrageons à notre aise .
Que voulez - vous , maman ? ... vous n' étiez pas là , je me voyais devant un abîme . Si j' étais restée dans ma dignité , j' aurais eu les froides douleurs d' une sorte de fraternité qui certes serait tout simplement devenue de l' indifférence .
Et quel avenir me serais - je préparé ? Mon dévouement a eu pour résultat de me rendre l' esclave de Calyste . Reviendrai - je de cette situation ? nous verrons ; quant à présent , elle me plaît .
J' aime Calyste , je l' aime absolument avec la folie d' une mère qui trouve bien tout ce que fait son fils , même quand elle est un peu battue par lui .
"
15 mai .
" Jusqu' à présent donc , chère maman , le mariage s' est présenté pour moi sous une forme charmante . Je déploie toute ma tendresse pour le plus beau des hommes qu' une sotte a dédaigné pour un croque - notes , car cette femme est évidemment une sotte et une sotte froide , la pire espèce de sottes .
Je suis charitable dans ma passion légitime , je guéris des blessures en m' en faisant d' éternelles . Oui , plus j' aime Calyste , plus je sens que je mourrais de chagrin si notre bonheur actuel cessait .
Je suis d' ailleurs l' adoration de toute cette famille et de la société qui se réunit à l' hôtel du Guénic , tous personnages nés dans des tapisseries de haute lice , et qui s' en sont détachés pour prouver que l' impossible existe .
Un jour , où je serai seule , je vous peindrai ma tante Zéphirine , Mlle de Pen - Hoël , le chevalier du Halga , les demoiselles Kergarouët , etc .

BEATRIX (II, privé)
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