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Je vous devrai sans doute le bonheur de la vie éternelle , ne voulez - vous pas que je m' acquitte envers vous par le don de quelques biens fragiles et passagers ? Manquerez - vous de générosité ? Ne voyez - vous pas en ceci le dernier mensonge d' un amour dédaigné ? Calyste , le monde sans vous n' était plus rien pour moi , vous m' en avez fait la plus affreuse des solitudes , et vous avez amené l' incrédule Camille Maupin , l' auteur de livres et de pièces que je vais solennellement désavouer , vous avez jeté cette fille audacieuse et perverse , pieds et poings liés , devant Dieu .
Je suis aujourd' hui ce que j' aurais dû être , un enfant plein d' innocence .
Oui , j' ai lavé ma robe dans les pleurs du repentir , et je puis arriver aux autels présentée par un ange , par mon bien - aimé Calyste ! Avec quelle douceur je vous donne ce nom que ma résolution a sanctifié ! Je vous aime sans aucun intérêt propre , comme une mère aime son fils , comme l' Église aime un enfant .
Je pourrai prier pour vous et pour les vôtres sans y mêler aucun autre désir que celui de votre bonheur .
Si vous connaissiez la tranquillité sublime dans laquelle je vis après m' être élevée par la pensée au - dessus des petits intérêts mondains , et combien est douce la pensée d' avoir fait son devoir , selon votre noble devise , vous entreriez d' un pas ferme et sans regarder en arrière , ni autour de vous , dans votre belle vie ! Je vous écris donc surtout pour vous prier d' être fidèle à vous - même et aux vôtres .
Cher , la société dans laquelle vous devez vivre ne saurait exister sans la religion du devoir , et vous la méconnaîtriez , comme je l' ai méconnue , en vous laissant aller à la passion , à la fantaisie , ainsi que je l' ai fait .
La femme n' est égale à l' homme qu' en faisant de sa vie une continuelle offrande , comme celle de l' homme est une perpétuelle action .
Or ma vie a été comme un long accès d' égoïsme .
Aussi , peut - être , Dieu vous a - t - il mis , vers le soir , à la porte de ma maison comme un messager chargé de ma punition et de ma grâce .
Écoutez cet aveu d' une femme pour qui la gloire a été comme un phare dont la lueur lui a montré le vrai chemin .
Soyez grand , immolez votre fantaisie à vos devoirs de chef , d' époux et de père ! Relevez la bannière abattue des vieux du Guénic , montrez dans ce siècle sans religion ni principe le gentilhomme dans toute sa gloire et dans toute sa splendeur .

BEATRIX (II, privé)
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